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Que sait-on des captures d’écran accusant Louis Boyard d’avoir harcelé et poussé au suicide un jeune militant communiste ?

Des extraits de conversation datant de 2019, déjà rendus publics à l’époque, sont mis en avant par l’extrême droite pour accuser Louis Boyard d’être responsable de la mort du militant communiste Guillaume Tran Thanh, en 2021.
Avant d'accéder à la députation, Louis Boyard (ici à Paris en mars 2023) a été dirigeant syndical lycéen, fonctions dans lesquelles il a eu maille à partir avec les sympathisants communistes de l'UNL, dont faisait partie Guillaume Tran Thanh. (Andrea Savorani Neri/NurPhoto. AFP)
publié le 31 mars 2023 à 11h49
Question posée sur Twitter le 29 mars

Vous nous interrogez sur la polémique touchant Louis Boyard, député LFI et ancien président de l’Union nationale lycéenne, accusé sur les réseaux sociaux d’avoir harcelé et poussé au suicide un jeune militant communiste.

Un billet publié le 28 mars dans l’espace Club de Mediapart, rapidement supprimé par le site d’information, a accusé le député Louis Boyard (LFI) d’avoir participé au harcèlement de Guillaume Tran Thanh, un militant communiste qui s’est suicidé en février 2021. Sa mort avait fait l’objet d’une couverture particulière, puisque quelques semaines auparavant, il avait contribué à la libération de la parole du #MeTooGay en accusant l’élu PCF au Conseil de Paris, Maxime Cochard, et son compagnon Victor Laby, de viol. L’affaire a été classée sans suite, mais la famille a porté de nouveau plainte.

Le billet a été diffusé ces derniers jours par plusieurs relais de l’extrême droite, notamment le rappeur et streameur identitaire Kroc Blanc, qui affirme que «Louis Boyard aurait participé activement au harcèlement de Guillaume Tran Thanh, conduisant à son suicide». L’information a aussi été partagée par le policier zemmouriste Bruno Attal, qui résume l’affaire dans des termes quasi-similaires.

De vrais messages envoyés en janvier 2019

Dans le texte mis en ligne sur la plateforme de blogs de Mediapart, l’auteur (anonyme) défend la théorie selon laquelle «le suicide de Guillaume n’est pas tant le fait de Maxime Cochard que d’un harcèlement féroce qu’auraient subi les étudiants communistes par des cadres de la France insoumise». L’article cible tout particulièrement Louis Boyard, l’ancien président de l’Union nationale lycéenne, accusé d’avoir mis en place un harcèlement «systématique» de ses adversaires communistes et de n’avoir jamais manqué «une occasion de rire et d’appuyer sur la détresse du jeune étudiant» d’origine vietnamienne. L’auteur apporte comme preuve des captures d’écran d’une conversation Messenger dans laquelle apparaissent les noms et photos de profils Facebook de Clara Jaboulay (ancienne présidente de l’UNL), Hugo Prévost (alors secrétaire général de l’UNL), Laura Pfister (alors vice-présidente de l’UNL) et Louis Boyard.

Louis Boyard, alors président de l’Union nationale lycéenne, y qualifie Guillaume de «connard», se félicite de «sa dépression [qu’il voit comme] une bonne nouvelle» et cherche à le faire partir de l’UNL, notant qu’il «ne partira pas s’il est en bonne santé». Contacté par CheckNews, Louis Boyard confirme que les messages reproduits sont «vrais» et qu’ils ont bien été envoyés le 8 janvier 2019. Le député précise par ailleurs que ces échanges étaient déjà connus dans la sphère militante après avoir fuité, et avaient fait l’objet de discussions avec le principal intéressé.

«On s’est réconciliés»

CheckNews a eu accès à un communiqué envoyé par Louis Boyard aux membres de l’UNL en mai 2019. Il y explique : «Dans la nuit du 23 mai [2019], des personnes ayant eu accès à ma messagerie Facebook ont publié sur divers groupes Facebook des captures d’écrans de conversations datant de ces deux dernières années.» Dans ce texte, il reconnaissait déjà que «ces captures d’écrans sont véridiques» et qu’elles «révèlent une rancœur et des colères qui ne devraient pas être exprimées, et encore moins publiquement». Il y exprime aussi «[ses] excuses pour toute personne qui se serait sentie blessée à la publication de ces extraits de discussion». CheckNews a eu confirmation par une jeune femme, se présentant comme une ancienne amie de Guillaume Tran Thanh et ex-petite amie de Louis Boyard, qu’elle avait été à l’origine de la diffusion de ces messages personnels sur divers groupes Facebook consacrés au syndicalisme lycéen.

Louis Boyard assure à CheckNews : «Quand Guillaume a vu ces messages, on s’est parlé, puis on s’est réconciliés». «A l’époque, on était tous les deux à l’UNL. Et on avait des désaccords. On s’engueulait, mais après cette histoire, on est restés amis jusqu’à ses derniers jours», affirme le parlementaire. Sur Twitter, les messages publics échangés entre les deux jeunes militants ne montrent pas d’animosité après la révélation des propos de Boyard.

Dans un communiqué publié jeudi soir, trois femmes, désignant Guillaume Tran Thanh comme un de leur «plus proche ami», indiquent que «ces screens [captures d’écran], douloureux rappel de méthodes déplorables et déplorées par la suite par les principaux concernés, ont été discutés tant par Louis que par Guillaume. Les excuses nécessaires avaient été faites et Guillaume affirmait lui-même “emmerder mais aimer Louis” (ses termes).»

Interrogée par CheckNews, une ancienne cadre de l’UNL, qui refuse de qualifier d’«amicaux» les liens entre Louis Boyard et Guillaume Tran Thanh, considère que les propos tenus dans l’échange font partie du contexte «hostile du milieu syndical lycéen», terreau de luttes politiques : «On est capable de se dire les pires horreurs.» Ces propos «traduisent des rivalités en interne», affirme-t-elle, insistant sur le fait qu’ils ont été échangés «bien avant la mort de Guillaume». Plusieurs témoignages indiquent à CheckNews que lorsqu’il était président de l’UNL, Louis Boyard cherchait à tenir à l’écart les membres défenseurs d’une ligne plus communiste, soutenue par Guillaume, ou d’autres.

Des rivalités du syndicalisme lycéen instrumentalisées par l’extrême droite

Si la polémique, à partir de propos déjà connus, a principalement été relayée par l’extrême droite, elle a aussi été nourrie à gauche par Marine C., ex-membre du Mouvement des jeunes communistes, qui s’affiche sur des photos au côté de Guillaume Tran Thanh. Dans une série de tweets (tous supprimés depuis), la jeune femme règle ses comptes avec Louis Boyard, en reprenant la plupart des éléments du billet supprimé de Mediapart. «A ceux et celles qui idolâtrent Louis Boyard, voici qui il a été, un manipulateur et un pourri de plus, parmi tant d’autres», notait-elle en partageant les captures d’écran du billet et des conversations dévoilées en 2019. Un témoignage repris par l’identitaire Kroc Blanc et des militants d’extrême droite sur Twitter.

La jeune femme – qui juge Boyard «carriériste», ne valant «pas mieux que Quatennens», et qui «espère grandement que Louis finira par disparaître des réseaux sociaux et des plateaux télé» a également publié plusieurs messages privés envoyés par Guillaume Tran Thanh, sans en préciser la date.

Contactée par CheckNews, Marie C. indique qu’ils datent du 30 mai 2019. Ce jour-là, le jeune homme s’adresse à ses camarades «pour mettre certaines choses à plat». Confirmant d’abord qu’«une conversation privée issue du Messenger de Louis Boyard a fuité où il se réjouissait de ma dépression, de m’avoir “détruit comme on détruit un communiste” et me qualifiait de “connard“ auprès d’ancien.ne.s statutaires de l’UNL», il poursuit : «Je veux dire que je n’en veux pas à Louis, je considère juste que c’est une personne hypocrite et manipulatrice qui a su utiliser les sentiments des camarades pour asseoir une certaine forme de légitimité dans l’organisation», avant de critiquer l’organisation du syndicat lycéen.

Face à la récupération de ses messages par Kroc Blanc et des militants zemmouristes accusant le député LFI d’être responsable du suicide de Guillaume, Marie C. a supprimé ses tweets, «parce que cela servait uniquement l’extrême droite». L’ancienne militante, qui assure à CheckNews ne pas être à l’origine du billet anonyme de Mediapart, estime qu’il «est important de rappeler que Louis et Guillaume avaient discuté de tout cela, et que Guillaume l’avait pardonné. Louis n’est pas le seul acteur dans cette histoire tragique.»