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Que sait-on des injures et menaces homophobes reçues par une directrice d’école ?

Pendant plus de six mois, une directrice d’école, dans le Cantal, a été la cible d’insultes et de menaces de mort en raison de son orientation sexuelle. Une enquête est ouverte.
Pendant plus de six mois, une directrice d’école, dans le Cantal, a été la cible d’insultes et de menaces de mort en raison de son orientation sexuelle. Une enquête est ouverte. (laurence soulez/Getty Images/iStockphoto)
publié le 25 juillet 2024 à 8h23

Le 22 juillet, dans un tweet qui comptabilise plus de 300 000 vues, le syndicat des directrices et directeurs d’école (S2DE) alerte sur la situation d’une de leur collègue, menacée en raison de son orientation sexuelle. Dans cette publication sont évoqués «plusieurs graffitis homophobes (et menace de mort) inscrits sur les murs de son école».

Plus loin, le syndicat déplore le fait que la directrice se serait «fait[e] retirer de son poste» d’institutrice qu’elle occupe à Moussages, un village du Cantal, «contre son gré». «Elle est allée chercher aujourd’hui ses affaires. Les homophobes ont gagné dans son village, l’Education nationale a perdu» constate encore le syndicat, interpellant au passage la ministre Nicole Belloubet.

Tout commence le 13 décembre 2023, ainsi que le relate la directrice (qui n’a pas donné suite à la sollicitation de CheckNews) dans texte rédigé par ses soins et publié sur les réseaux sociaux par le syndicat. Ce jour-là, l’insulte «sale gouine» est taguée sur un tableau situé sous le préau de l’école. Plus tard dans l’année, toujours selon le récit de l’institutrice, d’autres graffitis sont retrouvés sur les murs de l’école. Le 7 mars, «au même endroit», elle identifie cette fois un tag où l’on peut lire «gouine = pédophile». Le 11 juin, elle découvre la phrase «dégage la gouine» inscrite sur un mur à l’arrière de l’école.

Protection fonctionnelle

A la suite de chacun des deux premiers tags, la directrice fait usage de l’application en ligne «Faits d’établissements» et remplit des fiches «santé sécurité au travail», deux outils qui permettent de signaler, au sein de l’Education nationale, des faits graves, violents et préoccupants. Elle dépose également plusieurs plaintes, la première sera «classée sans suite», selon le syndicat. La directrice de l’école explique qu’il faudra attendre la réception de menaces de mort dans la boîte aux lettres de l’école pour que l’affaire «bouge un peu plus». A partir de ce moment-là, «l’enquête démarre enfin» et elle obtient la protection fonctionnelle, dispositif dont peuvent bénéficier tous les agents publics, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, s’ils sont victimes d’une agression ou poursuivis en justice en raison de leur métier. Celle-ci peut notamment prendre la forme d’un soutien juridique et financier.

Sollicité par CheckNews, le parquet d’Aurillac confirme qu’une «enquête, confiée aux services de gendarmerie, est en cours», portant sur des faits d’«injure publique commise en raison de l’orientation sexuelle, menace de mort commise en raison de l’orientation sexuelle, dégradation ou détérioration d’un bien par inscription ainsi qu’intrusion dans l’enceinte d’un établissement scolaire».

Retournement de situation

Mais au-delà des faits dénoncés, le syndicat déplore que l’institutrice ait été dirigée par le rectorat vers un autre établissement, en tout cas dans un premier temps. Ce qu’il interprète donc comme une victoire du ou des auteurs des actes homophobes. En effet, d’après les informations transmises par le S2DE, la directrice de l’école de Moussages a été convoquée le 16 juin par le directeur académique des services de l’Education nationale, où il lui aurait d’abord été offert le choix de garder son poste ou d’être mutée. Si elle a pris la décision de rester dans son école de Moussages, le rectorat a finalement décidé qu’elle serait affectée dans une autre commune. «Contre [s]a volonté» et «sur un remplacement long, dans une école trois fois plus loin de chez [elle]», s’indigne le syndicat.

Contacté par CheckNews, le rectorat de Clermont-Ferrand explique que l’institutrice a contesté cette décision dans un courrier du 18 juillet, dans lequel elle demande «de rester et de faire sa rentrée à Moussages». Un retournement de situation semble finalement s’être opéré. Mercredi, le rectorat a annoncé à CheckNews avoir changé d’avis. Et précise qu’il «ne s’opposerait pas à la décision» de l’enseignante de rester enseigner dans son école.