Question posée sur Twitter le 20 janvier.
Le professeur Antoine Flahault, interrogé par nos confrères de la Dépêche, s’est inquiété de l’apparition d’un «nouveau variant» du Sars-Cov-2, en l’occurrence une sous-lignée d’omicron, susceptible de relancer l’épidémie en France. «Au Royaume-Uni, le nombre de nouveaux cas de Covid-19 diminue de moitié tous les sept jours [...] On s’attendait à ce que la France emboîte le pas du pays avec deux semaines de décalage : ce n’est pas le cas. Et ce nouveau variant pourrait être à l’origine de l’augmentation très récente des contaminations que l’on est en train d’observer», déclare-t-il.
Un nouveau variant difficile à repérer
Parmi les innombrables mutations que peut subir le variant omicron au fil de ses réplications, l’essentiel n’a pas d’influence sur sa virulence ou sa transmissibilité. Mais début décembre, une scission un peu plus notable a été observée dans la lignée omicron.
Dans le système de classification employé pour suivre le Sars-Cov-2, omicron est affublé du code B.1.1.529. Plutôt que d’ajouter un «1» et un «2» à une dénomination numérique déjà lourde, il a été décidé de passer du préfixe «B» à «BA».... d’où les noms de «BA.1» et de «BA.2». Sur ce modèle, des «sous-lignées» telles que BA.3 ou BB.2, sont également référencées.
«Pour l’heure, on appelle omicron la lignée d’origine et les lignées qui en découlent séparées en trois sous lignées, BA.1 est la lignée principale pour le moment, c’est celle qui a le plus de cas séquencés associées. Cela fait quelque temps déjà que la séparation des lignées a eu lieu. Ce n’est pas quelque chose de nouveau», observe Florence Débarre, biologiste évolutionnaire à l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris.
La première «sous-lignée» présente les caractéristiques générales identifiées en Afrique du Sud début novembre, tandis que BA.2 – séquencé à la fin du même mois – s’en distingue par un peu plus de 20 mutations caractéristiques, dont environ la moitié au niveau de la protéine spike (qui sert au virus à se lier aux cellules).
Interview
Fait important : les mutations qui distinguent la protéine spike de BA.1 de celle de BA.2 jouent un rôle important dans les protocoles de tests PCR. Ces variations n’empêchent pas de détecter le virus. En revanche, selon les protocoles utilisés, un problème peut apparaître. «Au Royaume-Uni, la façon de mener les tests ne permet pas de distinguer BA.2 et delta. En revanche, les tests utilisés en France permettent de distinguer tous les omicrons de delta». La capacité à distinguer BA.1 de BA.2 «dépendra quant à elle du type de kits utilisés pour les tests, ce qui peut varier d’un laboratoire à l’autre. Mais à ma connaissance, à l’heure actuelle, SIDEP (la base nationale qui recense les résultats des tests virologiques, ndlr) ne renseigne pas quel kit a été utilisé».
Des séquençages génétiques permettent bien évidemment de distinguer BA.1 de BA.2, mais ils sont plus long, plus coûteux et plus difficiles à mettre en œuvre qu’un simple test PCR. «Le fait que le variant BA.2 ne se distingue pas aisément des autres coronavirus par la PCR n’aide pas à son suivi épidémiologique», précise Antoine Flahault dans un échange avec CheckNews. «Cela nécessite aujourd’hui le séquençage du génome complet pour le repérer, en attendant des outils de criblage plus accessibles et plus rapides.»
Toutefois, une part des tests effectués en laboratoire sont aléatoirement soumis à un séquençage plus strict. Ce qui permet d’identifier où, quand, et dans quelle proportion une sous-lignée particulière est présente sur un territoire donné.
La croissance rapide de BA.2 au Danemark inquiète
A ce jour, BA.2 a été identifiée dans quarante pays, pour un total de 6 817 séquençages. Sur ce total, 5 469 sont comptabilisées au Danemark. Il y a une dizaine de jours, ils représentaient déjà 2% des séquençages effectués dans ce pays. Il est désormais identifié dans la moitié des séquençages. En France, moins d’une vingtaine de BA.2 ont été séquencés.
Florence Débarre souligne que «le fait qu’au Danemark, le BA.2 ait pris le pas sur BA.1, suggère qu’il est encore plus transmissible». Un constat qu’appuie Antoine Flahault dans son échange avec CheckNews : «Il se trouve que le nouveau sous-variant BA.2 est devenu dominant au Danemark, à la surprise de tous. Alors que le Danemark prévoyait d’atteindre son pic à la mi-janvier, les contaminations sont reparties à la hausse et semblent être attribuables désormais à ce nouveau variant BA.2. En France aussi, les divers modèles laissaient envisager un pic autour du 15 janvier, or les nouvelles contaminations semblent repartir à la hausse aussi. Cela rappelle un peu la situation du 15 décembre (avec l’arrivée de la vague omicron avant le pic de la vague delta), sans que l’on puisse savoir si le parallèle avec la situation d’aujourd’hui est pertinent.»
Pour Patrick Hoscheit, chercheur en mathématiques appliquées à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, «le remplacement de BA.1 par BA.2 dans certains pays dont le Danemark et Singapour, qui ont d’excellents réseaux de surveillance génomique (...) ne signifie pas nécessairement que BA.2 possède un avantage de transmission, car les différences peuvent être épidémiologiques plutôt que virologiques (toucher des sous-populations différentes, par exemple)». «Mais c’est certainement une hypothèse à envisager, ce qui justifie une surveillance accrue», estime-t-il.
Interrogée par CheckNews, l’OMS explique «surveiller la progression du BA.2, et ses éventuelles implications. On observe une tendance à l’augmentation du BA.2 au cours des dernières semaines (de 0,1% de toutes les séquences omicron le 31 décembre à 1,8% des séquences omicron le 19 janvier)».
Il n’existe pas encore de données consolidées sur l’éventuel échappement immunitaire de ce virus (sa moindre reconnaissance par les anticorps acquis après vaccination ou une infection antérieure), ni sur la gravité des cas de Covid induits.
D’après Tom Peacock, virologue à l’Imperial College, «les toutes premières observations en provenance de l’Inde et du Danemark suggèrent qu’il n’y a pas de différence spectaculaire de sévérité par rapport à BA.1. Ces données devraient devenir plus solides (dans un sens ou dans l’autre) dans les semaines à venir », a-t-il expliqué sur Twitter. «Personnellement, je ne suis pas sûr que BA.2 aura un impact substantiel sur la vague actuelle de la pandémie.»
Mise à jour du 20/01/2022 : ajout de la réponse de Patrick Hoscheit