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Quels sont les avantages des questeurs de l’Assemblée nationale?

Indemnité supplémentaire, appartement de fonction, les députés Eric Ciotti, Eric Woerth et Marie Guévenoux jouissent de certains privilèges au titre de leur position particulière au sein de la Chambre basse.
A l'Assemblée nationale, à Paris le 6 juillet. (Albert Facelly/Libération)
publié le 11 juillet 2022 à 14h45

Figures moins connues que la présidente de l’Assemblée nationale, les questeurs font pourtant partie des députés les plus influents et les mieux lotis du Palais-Bourbon. Traditionnellement, deux questeurs sont issus de la majorité et un de l’opposition. Après les législatives de juin, le député LR Eric Ciotti (LR), qui déjà joui de cette position lors de la législature précédente, a été reconduit, tandis que l’ancien ministre du Budget Eric Woerth (ex-LR) et Marie Guévenoux ont été élus côté Renaissance.

Ces trois députés, membres du bureau, se réunissent chaque semaine et «sont chargés des services financiers et administratifs» de la chambre, indique l’article 15 du règlement de l’Assemblée. «Aucune dépense nouvelle ne peut être engagée sans leur avis préalable», peut-on lire. «Ils ont en charge l’élaboration du projet de budget (qu’il revient au Bureau d’adopter), la gestion du personnel, la gestion des crédits et de l’engagement des dépenses, conformément au principe d’autonomie administrative et financière des assemblées parlementaires», précise l’Assemblée nationale sur son site.

Interrogés sur les différents avantages auxquels les questeurs ont droit, aucun des trois élus à ce poste n’a accepté de répondre directement à CheckNews.

Côté habitation, les médias évoquent régulièrement la mise à disposition de logements de fonction de 400 mètres carrés à l’Hôtel de la Questure, à deux pas du Palais-Bourbon. L’article 15 du règlement de l’Assemblée nationale prévoit bien qu’un appartement officiel soit attribué à chaque questeur, comme pour le président de l’Assemblée (logé à l’hôtel de Lassay).

Mais ces appartements ne sont pas entièrement privatifs, puisqu’ils comprennent, «pour les trois quarts de [leur] surface, des salons publics de réception», nous précise le service de presse de l’Assemblée. Interrogée sur la surface exacte de la partie utilisable comme logement de fonction, l’Assemblée nationale n’a pas répondu. Contacté, Florian Bachelier (LREM), premier questeur lors de la législature précédente, estime, mais sans en être sûr, la superficie de cet appartement «de trois pièces» à environ 50 ou 60 mètres carrés.

Chaque appartement accueillerait 700 événements par législature

L‘essentiel consiste «en des pièces où le questeur ou les députés peuvent organiser des déjeuners de travail ou des réceptions», confirme René Dosière, ancien député PS et fondateur de l’Observatoire de l’éthique publique. «Un jour, par exemple, le député de Nouvelle-Calédonie a organisé un repas auquel ont été invités les responsables en métropole qui travaillent de près sur la Calédonie, soit 25 personnes en tout», se souvient l’ex-élu socialiste. Dans ce cas-là, le député organisateur paie les frais de réception.

En théorie, tous les députés, quel que soit leur bord, peuvent organiser un événement dans l’un des appartements des questeurs. «Un élu du RN pourrait ainsi organiser un repas comme tous les autres, mais il n’y ferait peut-être pas une réunion politique [n’ayant aucun questeur issu de son groupe, ndlr]», observe René Dosière. D’après l’Assemblée, chaque appartement accueille en moyenne 700 événements par législature.

Florian Bachelier explique ainsi avoir organisé environ 1 600 repas, dont «300 avec des journalistes». Les autres invités «sont de toutes sortes : intellectuels, politiques, universitaires, militaires, artistes, classes d’élèves, soignants, etc.» détaille l’ancien député En marche. Des rencontres qui servent à «éviter l’entre-soi, et faire le lien entre des personnes qui, autrement, ne se parlent pas». «C’était mon parti pris», revendique-t-il, agacé par la défiance vis-à-vis des députés qui occupent cette fonction. Et de se féliciter d’avoir notamment invité l’essayiste Caroline Fourest et l’avocat Richard Malka pour évoquer la laïcité et la lutte contre le séparatisme, devant plusieurs députés et deux conseillers de l’Elysée.

Pour les questeurs, des dépenses non contrôlées

Interrogé sur le financement de ces repas, l’ancien questeur répond avoir utilisé l’indemnité spéciale reçue au titre de cette fonction. Car les questeurs bénéficient en effet d’une indemnité particulière, en plus des trois indemnités attribuées à tous les députés et dont le montant total s’élève à 7 239,91 euros brut, soit 5 679,71 euros net mensuels. «Les Questeurs, comme tous les députés auxquels il est assigné une fonction au sein du Bureau de l’Assemblée nationale, perçoivent une indemnité spéciale qui vise notamment à compenser les sujétions particulières liées à la fonction et à financer les frais de l’appartement officiel. Elle s’élève à 4 537,11 euros net par mois et est soumise à l’impôt sur le revenu», indique l’Assemblée nationale à CheckNews.

Mais contrairement à l’avance sur frais de mandat (5 373 euros par mois, dont les questeurs disposent par ailleurs), les dépenses effectuées avec cette indemnité ne sont pas contrôlées. Le questeur ne doit pas non plus rembourser ce qui n’a pas été dépensé. In fine, les questeurs touchent donc 10 210 euros net d’indemnités qu’ils peuvent dépenser comme ils le souhaitent.

Chaque député à cette position dispose aussi d’un crédit collaborateur majoré «lui permettant de recruter des collaborateurs, afin de suivre notamment les activités de la questure». Interrogés sur le montant de cette majoration, les services de l’Assemblée nationale n’ont pas encore répondu. A noter que le questeur bénéficie aussi d’un secrétariat assuré par le personnel de l’Assemblée nationale et que deux autres agents sont chargés de l’organisation logistique des événements à la questure. Par ailleurs, les questeurs ont aussi accès, «en cas de besoin» au service de chauffeurs de l’Assemblée.

En 2019, Marine Bernier, députée LR des Alpes-Maritimes, avait déposé une proposition de loi pour «rendre bénévole la fonction de questeur, en supprimant notamment l’indemnité spéciale qui lui est octroyée», et supprimer les autres avantages liés à la fonction. Sans succès.

Mise à jour du 12 juillet : précision concernant le service de chauffeur de l’Assemblée.