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Qu’est-ce que le «plan des généraux» ou «plan Eiland», qui viserait à évacuer, assiéger et affamer le nord de Gaza ?

Conflit israélo-palestiniendossier
L’option militaire défendue par des généraux à la retraite entend éradiquer le Hamas, poussé à «se rendre ou mourir de faim», au mépris de la vie des civils qui seraient restés dans le nord de l’enclave palestinienne. Non confirmée par les autorités, elle est jugée plausible par la presse israélienne.
L'ordre d'évacuation largué par l'armée israélienne à Jabalia, au nord de Gaza City, le 6 octobre 2024. (Omar Al-Qattaa/AFP)
publié le 9 octobre 2024 à 16h24

Depuis le dimanche 6 octobre et l’ordre donné par l’armée israélienne d’«évacuer» le nord de Gaza, de nombreux commentateurs, humanitaires, et journalistes palestiniens redoutent les signes annonciateurs du «plan Eiland», du nom de Giora Eiland, major général de l’armée israélienne à la retraite, considéré comme le père de cette option stratégique radicale. Ce projet consisterait d’abord à vider le nord de l’enclave des civils, puis à assiéger la zone, la coupant de toute aide humanitaire (dont la nourriture et l’eau). L’objectif serait de forcer à la reddition les quelques milliers d’hommes du Hamas encore présents dans le Nord. Le tout au mépris de la vie des civils qui seraient restés dans la zone. Le plan est évoqué depuis plusieurs semaines comme une option sérieuse par la presse israélienne, alors que Benyamin Nétanyahou en aurait dit le plus grand bien, selon plusieurs médias.

Cette idée de siège émane des généraux à la retraite du «forum des commandants et des soldats de la réserve», qui l’ont proposée publiquement le 4 septembre. Cette option radicale est motivée, d’après ses auteurs, par le fait que l’action israélienne ne serait pas assez efficace pour vaincre le Hamas et créer une pression suffisante pour libérer les personnes enlevées. D’après le décompte de CheckNews, 63 otages présumés en vie selon les autorités israéliennes sont toujours retenus à Gaza (même si une partie auraient déjà été tués).

«Ce territoire ne recevra aucun ravitaillement»

Au cours du mois de septembre, l’option a pris de plus en plus l’épaisseur, étant présentée comme plausible par la presse israélienne. Le média de gauche + 972 soulignait ainsi le 17 septembre, en recensant différents articles, que ce plan de «liquidation du nord de Gaza gagne du terrain». Le 22 septembre, Reuters rapportait que d’après la radio de l’armée israélienne, Benyamin Nétanyahou aurait expliqué en commission parlementaire que le plan Eiland était examiné. Selon la radio publique KAN, il aurait même été salué par le Premier ministre, lors de cette réunion, comme «très sensé». Ce que rapportait le même jour le média américain CNN, à qui un officiel israélien précisait néanmoins que d’autres options étaient également évaluées.

La ligne de partage serait le corridor Netzarim, cette route entre Israël et la Méditerranée qui scinde la bande de Gaza en deux, au-dessus du camp de Nuseirat et en dessous de Gaza City, isolant donc le tiers nord de l’enclave. «En une semaine, déclarait Giora Eiland dans la vidéo de présentation du plan traduite par CNN, tout le territoire du nord de la bande de Gaza deviendra un territoire militaire. Et ce territoire militaire, en ce qui nous concerne, ne recevra aucun ravitaillement. C’est pourquoi les 5 000 terroristes qui se trouvent dans cette position peuvent soit se rendre, soit mourir de faim.»

«Quiconque reste sera condamné comme terroriste»

Qu’adviendrait-il des civils, certains ayant été déplacés dix fois déjà, qui refuseraient de quitter les lieux par peur du Hamas ou de l’armée israélienne, par incompréhension ou par résignation ? Jusqu’à maintenant, les ordres «d’évacuation» de l’armée israélienne n’ont jamais réussi à vider les zones ciblées de tous leurs civils. D’après l’ONU, reprend le Guardian, entre 300 000 et 500 000 personnes se trouvent dans le nord de Gaza. Cité par + 972, le professeur à l’université de Tel Aviv Uzi Rabi avait donné sa réponse, glaçante, auprès d’une radio israélienne le 15 septembre : «On expulse toute la population civile du Nord. Et quiconque y reste sera légalement condamné comme terroriste et soumis à un processus de famine ou d’extermination.»

Interrogé sur la légalité d’une telle stratégie par Haaretz, le 27 septembre, Giora Eilan répondait : «Il est permis et même recommandé d’affamer un ennemi, à condition d’avoir au préalable laissé des couloirs de sortie aux civils. Et c’est exactement ce que je propose.» Comme l’expliquait CheckNews, l’armée israélienne et le gouvernement de l’Etat hébreu n’ont jamais confirmé ce plan, ni annoncé sa mise en œuvre. Mais la multiplication des signaux inquiète. L’ordre «d’évacuation» de l’armée israélienne, martelé depuis le 6 octobre, s’est accompagné d’un encerclement du quartier de Jabalia, où l’armée israélienne revendique opérer au sol pour la quatrième fois depuis un an, et où la branche armée du Hamas confirme que des combats ont lieu. Mardi, un ultimatum a également été adressé aux trois hôpitaux du nord de l’enclave, dont les soignants et les patients ont eu vingt-quatre heures pour fuir. Un appel perçu comme un nouvel indice d’une volonté de Tsahal de dépeupler le Nord de manière pérenne.