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Rafle du Vél d’Hiv : Ciotti confond les victimes de la rafle avec une foule de collabos arrêtés

Régulièrement, des personnalités politiques commémorent les victimes de la grande rafle de juillet 1942 en montrant des images de foules à l’intérieur du vélodrome. Or il n’existe qu’une seule photo de cette opération, prise depuis l’extérieur.
Eric Ciotti à l'Assemblée nationale, le 10 avril. (Julien de Rosa/AFP)
publié le 18 juillet 2024 à 14h54

Dans un message publié sur le réseau social X, le député de droite Eric Ciotti a voulu rendre hommage aux victimes juives de la rafle du Vélodrome d’Hiver. «Les 16 et 17 juillet 1942, le régime de Vichy commettait une véritable abomination en raflant 13 152 juifs pour les livrer aux camps de la mort nazis. La hauteur d’une grande Nation est d’assumer ses fautes. Commémorons la mémoire des victimes du Vél d’Hiv et de l’holocauste» note le président du parti Les Républicains.

Cette publication est accompagnée d’une photographie en noir et blanc, montrant des centaines de personnes assises à l’intérieur du vélodrome parisien, détruit en 1959.

Plusieurs observateurs ont fait remarquer à Eric Ciotti que l’image publiée ne montre pas les juifs arrêtés les 16 et 17 juillet 1942. Mais qu’au contraire il s’agit de personnes détenues au même endroit en août 1944, pour avoir collaboré avec Vichy, après la libération de Paris. Certains commentateurs soulignent d’ailleurs l’ironie de la situation, Eric Ciotti s’étant allié avec le Rassemblement national, héritier du Front national cofondé par Jean-Marie Le Pen avec Pierre Bousquet, un Français ayant rejoint la Waffen-SS en 1943.

Contacté par CheckNews, l’historien et directeur de recherche au CNRS Laurent Joly confirme que la photographie ne montre pas la rafle de juillet 1942, mais bien la détention de collaborateurs du régime de Vichy. «A sa décharge, il n’est pas le seul à continuer à perpétuer cette erreur, la Dilcrah a fait de même cette année !» souligne le spécialiste de l’antisémitisme durant l’Occupation. Dans un tweet (effacé depuis), la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT avait effectivement publié une image similaire en noir et blanc montrant des personnes à l’intérieur du Vélodrome d’Hiver de Paris. La page du Crif de Marseille a également partagé la même image que Ciotti en juillet 2023.

Et le député des Alpes-Maritimes n’est pas le premier homme politique à se tromper en voulant rendre hommage aux victimes de la rafle de juillet 1942. Ce jeudi, la députée RN Julie Lechanteux a publié la même photographie pour rendre hommage aux juifs persécutés. Avant eux, Benjamin Griveaux, mais aussi Benoît Hamon (corrigé par Arno Klarsfeld) avaient commis la même faute. L’erreur vient sans doute du fait qu’en cherchant des images de la rafle du Vélodrome d’Hiver, Google suggère ces photographies sans préciser leur véritable contexte.

Aucune des photographies de l’intérieur du Vélodrome d’Hiver, régulièrement partagées, ne montre les victimes de la rafle des 16 et 17 juillet 1942. Selon le mémorial de la Shoah, il n’y a qu’une «seule photo retrouvée à ce jour par Serge Klarsfeld de la rafle du Vél d'Hiv». Elle montre les bus et voitures de police stationnés devant le Vélodrome d’Hiver.

Dans le podcast Paroles d’histoire, animé par l’historien André Loez, Laurent Joly était revenu sur cette image unique, figurant en couverture de son livre la Rafle du Vél d’Hiv : Paris, juillet 1942 (Grasset, 2022). Il explique qu’elle est tirée du fond du journal Paris Soir. L’historien détaille encore que les Allemands avaient eu pour stratégie d’accoutumer la population française en diffusant des photographies des arrestations «dès 1940 dans la presse à la botte». Il cite ainsi des images du photographe allemand Harry Croner d’une rafle en mai 1941 et d’autres opérations contre les juifs la même année.

En consultant l’image de juillet 1942, Laurent Joly découvre qu’elle comporte à son dos «un tampon de censure allemande, qui refuse la publication. Il y a une instruction qui a été donnée : interdiction absolue aux journaux de même mentionner l’existence de la grande rafle. Donc voilà un événement public, que tous les Parisiens ont vu, et le lendemain, pas un mot dans le journal. Donc il n’y a que cette photo qui a été conservée».