Le RN fait un petit ménage d’été dans son programme. La perspective d’une accession au pouvoir du Rassemblement national, éventuellement avec l’aide de LR, contraint le parti d’extrême droite à repousser, voire à oublier, plusieurs des promesses faites lors des récentes campagnes.
Un «bouclier du pouvoir d’achat» abandonné ou différé
Plusieurs de ces abandons concernent la partie économique et sociale du programme du Rassemblement national défendu pendant la campagne présidentielle de 2022 et depuis. D’après les informations d’un article du journal le Monde publié vendredi 14 juin, la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur 100 produits de première nécessité, ainsi que l’exonération d’impôt sur le revenu pour les jeunes de moins de 30 ans, ou encore l’accroissement de l’exonération des droits de succession «ne figureraient pas au premier budget d’un gouvernement RN». Ce qu’a confirmé Jordan Bardella au Parisien lundi 17 juin, expliquant que la suppression de la TVA des produits de première nécessité «se fera [it] dans un second temps», sans plus de précision.
Une partie de ces mesures figurait déjà dans le programme de Marine Le Pen en 2022 et figure toujours sur le site des «22 mesures pour 2022» mises en avant sur le site du Rassemblement national, dans la rubrique «projet». En février 2024, le parti politique avait également repartagé à plusieurs reprises une pétition lancée un an plus tôt sur le «bouclier du pouvoir d’achat du RN», où figuraient quatre mesures, dont les deux évoquées ci-dessus.
La baisse de la TVA à 5,5 % sur le gaz, le fioul et les carburants, qui figurait dans les promesses de ce «bouclier du pouvoir d’achat», serait néanmoins maintenue et pourrait figurer dans un budget rectificatif que le RN proposerait dès juillet. Mesure chiffrée à 12 milliards d’euros par le parti, 16,8 milliards par Bercy.
Renaud Labaye, bras droit de Marine Le Pen à l’Assemblée nationale, interrogé par le Monde, affirme que l’exonération de cotisations patronales sur les augmentations de salaire jusqu’à 10 % (autre mesure phrase du RN, qui avait fait l’objet d’une proposition de loi, rejetée, en janvier 2023) pourrait intégrer le budget de 2025 à l’issue d’une «conférence sociale» où plusieurs autres mesures seraient discutées, y compris l’avenir du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
L’augmentation des salaires des enseignants modifiée et remise à plus tard
Toujours d’après Renaud Labaye dans le Monde, l’augmentation des salaires des enseignants serait également remise à plus tard, selon plusieurs critères qui n’étaient auparavant pas évoqués.
En 2022, le programme de Marine Le Pen mentionnait explicitement le refus de «tout allongement de l’âge de départ à la retraite». Pour les législatives anticipées, le porte-parole du RN à l’Assemblée, Thomas Ménagé, martelait encore ce refus le 10 juin sur BFM TV. «Nous reviendrons sur cette réforme injuste des retraites portée par Emmanuel Macron».
Mais le lendemain, au micro de RTL, Jordan Bardella se faisait plus évasif. «Nous verrons», éludait-il, avant de préciser : «Je vais hériter d’une situation économique compliquée, par conséquent nous serons amenés à faire des choix.» Le soir même, au JT de France 2, confronté aux divergences avec son nouvel allié, Eric Ciotti, il admettait que sa «priorité sera [it] de traiter l’urgence. […] La réforme des retraites viendra dans un second temps».
Le député RN Philippe Ballard se risque trois jours plus tard à un peu plus de précisions. «L’abrogation [de la réforme des retraites] se fera dans un deuxième temps, en 2025-2026.» Avant d’être démenti lundi 17 juin par le chef de son parti, Jordan Bardella, dans les colonnes du Parisien. «La réforme des retraites sera abrogée à partir de l’automne. Nous permettrons aux carrières longues, ceux qui ont commencé à travailler à 20 ans, de partir à la retraite avec 40 annuités à un âge légal de départ de 60 ans.» Interrogé une nouvelle fois sur ses désaccords avec Les Républicains sur ce point, le potentiel Premier ministre répond, lapidaire : «C’est le RN qui conduit cette coalition.»
Blocage institutionnel sur l’éloignement des étrangers
Le premier bloc du programme de Marine Le Pen en 2022 proposait d’«expulser systématiquement les clandestins, délinquants et criminels étrangers». Marine Le Pen assurait ainsi qu’il faudrait pour cela modifier la Constitution, «en donnant la parole aux Français par référendum», selon son programme. Or, ce pouvoir est une prérogative du président de la République. La veille des élections européennes, le compte Twitter du Rassemblement national défendait encore cette mesure phare du programme, en appelant à voter pour la liste de Jordan Bardella.
Selon le Parisien, cette disposition programmatique est maintenue par Jordan Bardella pour les législatives de 2024, avec la formule plus policée de «faciliter l’éloignement». Mais il reconnaît devoir «lever tous les obstacles administratifs et réglementaires» en raison d’«un certain nombre de freins dans le droit français». Ainsi, même en cas de victoire du RN aux législatives, Jordan Bardella en tant que Premier ministre n’aurait pas le pouvoir d’appeler au référendum, ni ne bénéficierait du soutien du Sénat, pour réformer la Constitution et appliquer cette mesure.
Report de l’interdiction du voile islamique dans l’espace public
Alors que le parti de Marine Le Pen n’était pas encore en mesure de former un groupe parlementaire, avec huit députés, elle avait déjà soumis en 2021 une proposition de loi «visant à combattre les idéologies islamistes». Repris tel quel dans son programme présidentiel de 2022, l’article 10 dispose que «sont interdits, dans l’espace public, les signes constituant par eux-mêmes une affirmation sans équivoque et ostentatoire des idéologies». Mais alors que cette interdiction était souhaitée dès 2021, Jordan Bardella concède au Parisien ne vouloir la mettre en place qu’après 2027. «Cela reste un objectif», maintient-il.
Pas de prix planchers sur les produits agricoles, une législation jugée «suffisante»
Toujours dans l’article du Monde, le député Grégoire de Fournas précise que le parti ne compte pas instaurer de prix planchers sur les produits agricoles, ce qui était pourtant une proposition du RN encore récemment (bien qu’elle n’ait pas toujours été claire), considérant la législation actuelle «suffisante».