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Législatives: le projet d’Ensemble! est-il le seul à prévoir d’augmenter les pensions de retraite, comme le dit Stanislas Guerini ?

La majorité présidentielle partage, en réalité, cet objectif de revalorisation des pensions de retraite avec l’ensemble des forces politiques. Et comme les autres, elle ne détaille pas les modalités qui permettraient d’y parvenir.
Stanislas Guerini a bien raison de dire que son parti veut augmenter les pensions. Mais il est loin d'être le seul. (Bertrand Guay/AFP)
publié le 10 juin 2022 à 16h12
Question posée sur Twitter le 6 juin 2022.

Vous nous sollicitez au sujet d’une déclaration de Stanislas Guerini, récemment nommé ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Interrogé lors de la matinale de LCI, vendredi 3 juin, sur la réforme des retraites à venir, le candidat (sortant) Ensemble ! aux législatives dans la troisième circonscription de Paris a assuré que la volonté de la majorité d’augmenter les pensions de retraite est «le projet contraire de toutes les forces politiques dans cette campagne». Dans la foulée, l’affirmation a été renouvelée via un tweet posté sur le compte de Stanislas Guerini : «Nous voulons augmenter les pensions, contrairement à toutes les forces politiques dans cette campagne.»

Dès le mois de mars, Emmanuel Macron avait annoncé son intention d’instaurer un «minimum de retraite à 1 100 euros pour ceux qui ont une carrière complète», avant d’inscrire cette mesure dans son «projet présidentiel», aujourd’hui défendu par les candidats aux élections législatives d’Ensemble !, l’alliance des partis de la majorité présidentielle.

150 euros de plus pour les plus faibles retraites

Dans le détail, cette «garantie de pension de 1 100 euros par mois pour une personne à carrière complète [en réalité à taux plein, ndlr]», que le président de la République s’est engagé à mettre en place dans le cadre de la réforme des retraites, sera «fixée de façon à permettre que la pension totale (base et complémentaire) atteigne ce niveau», indique à CheckNews le cabinet de la Première ministre, Elisabeth Borne. Les pensions des retraités se composent en effet d’abord d’une base, versée par la branche vieillesse du régime général de la Sécurité sociale, mais aussi d’une complémentaire, dépendant de régimes complémentaires. Dans le cas le plus répandu, c’est-à-dire une carrière effectuée entièrement dans le secteur privé, cette dernière repose sur les caisses de retraite complémentaire Agirc-Arrco, gérées par les partenaires sociaux.

Ainsi, l’Etat n’a la main que sur les pensions de base. Leur montant pour les retraités à taux plein – ceux qui ont validé le nombre de trimestres suffisant ou ont atteint l’âge du taux plein – est garanti par le «minimum contributif». Grâce à ce dispositif, aucune pension de base au taux plein ne peut être inférieure à un certain montant : pour un retraité ayant cotisé au moins 120 trimestres auprès du régime général de l’Assurance vieillesse, le minimum contributif s’élève actuellement à 713,11 euros par mois. Mais la pension globale minimale, abondée par le régime complémentaire Agirc-Arrco, se situe à l’arrivée autour de 950 euros mensuels.

Avec les 1 100 euros minimum promis par Emmanuel Macron, les retraités les plus modestes toucheraient donc 150 euros supplémentaires par rapport à ce que permet l’actuel système. Comment l’exécutif va-t-il s’y prendre pour concrétiser cet engagement via la réforme des retraites ? «Les modalités de mise en œuvre de cette promesse vont être instruites et elles feront l’objet des échanges à venir, notamment avec les partenaires sociaux», indique sans précision l’entourage de la Première ministre.

A priori, le principal levier dont dispose le gouvernement, afin de faire progresser le montant minimum des pensions de retraite, repose sur le minimum contributif. Pour autant, une simple augmentation de cette pension de base minimale ne suffit pas. La raison : les pensions complémentaires, elles, sont calculées au cas par cas. Ainsi, un minimum contributif relevé à 850 ou 900 euros ne garantirait pas à tous les retraités avec une carrière à taux plein une pension totale d’au moins 1 100 euros.

Côté Nupes, 1 500 euros pour une carrière complète

Même si cette promesse est compliquée à mettre en œuvre, Stanislas Guerini a raison de dire que la majorité s’est engagée sur une hausse des pensions de retraite. En revanche, ce qui est faux, c’est d’affirmer qu’elle est la seule force politique à vouloir le faire. La revalorisation des pensions en soutien aux retraités les plus modestes est un objectif partagé par l’ensemble des partis, et des propositions allant en ce sens figurent notamment dans les programmes actuellement portés par les trois principales forces d’opposition.

De son côté, la Nupes promet de «porter a minima au niveau du Smic revalorisé toutes les pensions pour une carrière complète». Soit à 1 500 euros, puisque la Nupes propose par ailleurs d’augmenter le salaire minimum légal à ce niveau. «Quelle que soit la carrière qui a été conduite, une fois qu’on a l’âge de partir à la retraite et qu’on a toutes nos annuités, on est à 1 500 euros minimum», résume Hadrien Clouet, coresponsable du programme à La France insoumise et candidat Nupes en Haute-Garonne. Un montant qui, là aussi, intègre à la fois les pensions de base et les complémentaires : «La pension de base sera réévaluée, en tenant compte des complémentaires, pour atteindre les 1 500 euros.»

Quelle méthode serait employée pour parvenir à cet objectif ? La Nupes explique vouloir s’appuyer sur un outil similaire au minimum contributif, mais en le refondant. «Techniquement, la logique est la même, reconnaît Hadrien Clouet. Mais si on rentre dans le détail, quelques éléments dans le minimum contributif ne nous conviennent pas : les distinctions entre les régimes de retraite, entre les assurés qui ont plus ou moins de 120 trimestres cotisés… Nous voulons sortir de l’ensemble des conditionnalités qui sont fixées aujourd’hui pour atteindre le minimum contributif.»

En plus de cette pension minimale pour les carrières à taux plein, le programme de la gauche unie contient un second engagement sur les retraites : aucune pension en dessous du seuil de pauvreté, fixé autour de 1 100 euros. «A défaut de carrière complète, et d’un nombre de trimestres suffisants, quel qu’il soit»,

LR plus généreux qu’Ensemble !, le RN moins

Du côté de la droite, Les Républicains ont inscrit dans leur programme pour les élections législatives une mesure similaire, annonçant leur volonté de faire en sorte qu’il n’existe plus «aucune retraite en dessous du Smic»comme l’avait promis leur candidate, Valérie Pécresse. La principale force politique de droite se montrerait ainsi plus généreuse que le camp présidentiel.

«Il s’agit bien de porter le minimum contributif au Smic net dans le cadre de notre projet de réforme des retraites», confirme une représentante des Républicains, contactée par CheckNews. Pour le détail de la mesure, celle-ci renvoie vers une étude de l’Institut Montaigne. Le think tank libéral y énonce : «Valérie Pécresse prévoit une revalorisation des retraites les plus modestes au niveau du Smic net et une revalorisation du minimum contributif à hauteur de 1 230 euros.»

Enfin, le Rassemblement national souhaite pour sa part réindexer les «pensions de retraite sur l’inflation», proposition que les députés RN seront censés défendre «dès leur entrée au Parlement», d’après le communiqué de presse diffusé mi-mai par leur parti. Alors que la loi prévoit depuis 2016 l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation, celles-ci ont jusque-là été revalorisées en dessous du niveau de la hausse des prix.

Si la mesure du RN était appliquée dans l’immédiat, le montant du minimum contributif de base pourrait ainsi grimper de 5,2 % (soit le taux d’inflation mesuré sur un an par l’Insee, d’après une estimation dévoilée le 31 mai), faisant passer, pour une carrière à taux plein, le minimum de pension de 950 euros mensuels à presque 1 000 euros. En retrait par rapport aux 1 100 euros que le gouvernement veut garantir aux retraités, et encore plus loin de l’idée portée la Nupes et des Républicains.