Dans la soirée du lundi 24 avril est apparu sur les réseaux sociaux l’extrait d’une interview menée le soir-même sur la chaîne La Première, branche de France Télévisions consacrée aux Outre-Mer. Interrogé sur l’opération Wuambushu, qui vise à exclure de Mayotte des milliers de sans-papiers, Salime Mdéré, présenté comme vice-président du Conseil départemental de Mayotte, répond alors par ces propos :
«Quand je vois ce qu’il se passe à Tsoundzou [où des affrontements ont eu lieu entre habitants et forces de l’ordre, ndlr], moi je reste un peu réticent. Des gamins qu’on voit de loin… enfin c’est même pas des gamins, moi je refuse d’ailleurs qu’on emploie ces termes-là : ‘‘jeunes’’ ou ‘‘gamins’', ces délinquants, ces voyous, ces terroristes… à un moment donné, il faut peut-être en tuer, je pèse mes mots. Il faut peut-être en tuer. S’il n’y en a pas un qui est tué, il y en aura toujours d’autres qui vont oser tenter de tuer des policiers. La légitime défense, elle est où là-dedans ?» Il est interrompu par la journaliste qui lui rétorque en plateau : «Je ne peux pas vous laisser dire ça à la télévision publique.»
"Ces gamins, il faut peut être en tuer"
— Arié Alimi (@AA_Avocats) April 25, 2023
Que dire d'un pouvoir qui décide de tuer des enfants parce qu'ils viennent d'ailleurs. Que dire de ceux qui ne disent rien et soutiennent ce pouvoir ⬇️ #ViolencesDEtat pic.twitter.com/udLQUWwXtk
De quel parti dépend cet élu ? Premier vice-président du conseil départemental de Mayotte, chargé de l’aménagement du territoire, des infrastructures et du foncier, Salime Mdéré a été élu en juin 2021 sous l’étiquette divers centre. Peu après son intervention télévisée a circulé la capture d’écran d’une page Wikipédia rapportant les résultats des élections départementales dans le canton de Bouéni, d’où vient Salime Mdéré. Il est alors présenté comme un élu du parti de la majorité. Plusieurs personnalités, dont Fabien Roussel ou Manuel Bompard, réagissant à cette séquence, fustigent un «élu LREM».
« Il faut en tuer ! »
— Fabien Roussel (@Fabien_Roussel) April 25, 2023
Un élu LREM de Mayotte et vice-président du département appelle au meurtre, en direct, de jeunes comoriens lors de l’opération Wuambushu.
Honteux.
Voilà où conduit la politique de notre gouvernement. J’appelle à mettre un terme immédiat à cette opération. pic.twitter.com/JVB8sLeumX
Depuis, la page Wikipédia a été modifiée. L’étiquette LREM a été remplacée par DVC. Contacté, le parti présidentiel réfute toute appartenance de Salime Mdéré à LREM dans le passé, et désormais à Renaissance. «Il n’a jamais obtenu l’investiture de notre parti et n’a d’ailleurs pas accordé son parrainage au président de la République en 2022. Il est membre depuis 2021 d’un exécutif départemental qui s’oppose fortement à l’action de notre majorité. Ses propos n’engagent en rien notre parti et appellent une condamnation sans ambiguïté de toutes les forces politiques», ajoute le parti présidentiel.
De fait, interviewé lors de son élection, Salime Mdéré se réclamait davantage du camp Les Républicains. Il indiquait ainsi : «Je suis LR. Mais quand on veut faire avancer Mayotte, c’est pas l’étiquette politique qui prime.» Sollicité par CheckNews, Moussa Mouhamadi Bavi, chargé de mission départemental pour Les Républicains à Mayotte, précise cependant que l’élu… n’est pas non plus adhérent chez LR. Avant ajouter : «Il en est sympathisant, il partage les idées de la droite.»
L’interview de la Première n’est, depuis la polémique, plus visible sur le site de France télévisions. Interrogé par CheckNews, Salime Mdéré n’a pas donné suite. Pas plus que le conseil départemental, sollicité pour une réaction. Mais en fin de matinée ce mardi, l’élu a publié un post Facebook dans lequel il présente ses excuses.
«Mes propos - qui sont à la hauteur de ma passion pour cette île - ont dépassé ma pensée et je m’excuse bien volontiers s’ils ont pu heurter», écrit-il. Ajoutant : «Si je soutiens cette opération [Wuambushu, ndlr], je n’en reste pas moins très attaché à l’Etat de droit et ne peux aucunement souhaiter que se mette en place une justice expéditive, qui conduirait Mayotte dans le chaos.»