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Satan 2 : la Russie rate (encore) son tir de missile à capacité nucléaire

Des images montrant un site de lancement dévasté circulent depuis ce week-end. Ce deuxième échec pose question sur l’état de développement des Sarmat, que Moscou présente comme «parés au combat».
Une image satellite du site de lancement, près du cosmodrome de Plessetsk, le 21 septembre. (Maxar Technologies/REUTERS)
publié le 24 septembre 2024 à 9h55

Depuis samedi 21 septembre, différentes photographies satellites du site de lancement de Plessetsk, à l’extrême nord-ouest de la Russie, témoignent d’un nouvel échec de lancement d’un missile Sarmat, aussi appelé Satan 2. Ce projectile balistique intercontinental de nouvelle génération a été conçu pour moderniser l’arsenal nucléaire soviétique. Le Kremlin et ses relais agitent régulièrement la menace ces nouvelles armes, présentées comme «déjà en service», contre l’Ukraine ou ses alliés occidentaux. Mais ce nouvel échec (le deuxième, sur trois tirs), interroge sur l’état de développement des Sarmat, que Moscou présente comme «parés au combat».

Les yeux des observateurs initiés (et des avions espions américains, visibles sur les sites de suivis aériens) étaient pointés depuis plusieurs jours sur les sites de lancements à l’est du cosmodrome de Plessetsk. Le lancement à venir ayant été trahi par une Notam, une notice de restriction aérienne, similaires à celles émises pour les lancements précédents, en mer de Kara, entre le 19 et le 23 septembre. Dès le 21 septembre, un premier signe indique une situation anormale sur le site de lancement : le satellite de la Nasa du programme Firms, dont la carte montre en temps réelle les incendies dans le monde, affichait une signature thermique conséquente pendant plusieurs heures autour du silo.

Feu de forêt et véhicules de secours

Viens ensuite première photo de Planet, une entreprise d’imagerie satellite, prise durant les premières heures de jour du 21 septembre. Elle montre un immense cratère de dizaines de mètres de largeur, laissé à l’emplacement du silo de test, d’où devait sortir le missile. Une seconde photo de Maxar, autre entreprise d’imagerie satellite, témoigne de ce cratère impressionnant, et de sérieux dégâts aux structures voisines. Un feu de forêt et des véhicules de secours sont également visibles dans la proximité proche du pas de tir. S’agit-il d’un problème au décollage ou qui a eu lieu pendant la préparation du tir ? Difficile, en l’état, d’en savoir plus, à part que le Sarmat a explosé dans son silo, ou juste à côté.

Comme l’écrivait déjà CheckNews il y a deux ans, la Russie dispose déjà d’un large et varié arsenal nucléaire. Mais ces nouveaux missiles, vantés comme beaucoup plus rapides et dévastateurs (quand l’arsenal nucléaire russe existant suffit déjà à détruire plusieurs fois la planète), sont régulièrement brandis dans les talk-shows des chaînes d’Etat du Kremlin, ou encore dans d’autres éléments de propagande, comme cette chanson à la gloire du missile. On les retrouve également dans les prises de parole d’officiels, comme le président de la Douma (le Parlement russe) qui menaçait jeudi 19 septembre de bombarder le Parlement européen avec un Sarmat, tout en affirmant que le projectile attendrait Paris en 3 minutes 20, ce que CheckNews a déjà infirmé en 2022.

Deux tirs ratés sur trois

Le premier tir de Sarmat, et le seul ayant jamais réussi, a eu lieu en avril 2022. Un lancement prévu de longue date, qui n’était pas directement lié à conflit ukrainien, le développement de ce nouveau système étant alors en cours depuis des d’années. L’objectif annoncé par différents officiels russes en fin 2021 était de déployer un premier régiment opérationnel d’ici fin 2022. Une date déjà décalée par rapport au projet initial d’entrée en service en 2018-2020. Finalement, Vladimir Poutine avant annoncé en juin 2023 que dans un «futur proche», les Sarmat et leurs silos seraient parés au combat. Quelques mois plus tard, en septembre 2023, le dirigeant de l’agence spatiale civile russe avait surenchéri et affirmé que ces derniers étaient opérationnels. Ce que Vladimir Poutine avait finalement répété en février 2024.

Mais comme le soulevaient à l’époque plusieurs spécialistes du sujet, à l’instar de Hans Kristensen, spécialiste dans le suivi des arsenaux nucléaires, cette affirmation du dirigeant russe détonnait avec le fait que les Sarmat n’avaient alors toujours pas fini leurs vols de tests. Pire encore, le ratio de tirs réussis est loin d’être positif, avec maintenant deux tirs ratés sur trois. Le lancement d’avril 2022 est le seul ayant réussi. En février 2023, plusieurs sources sécuritaires anonymes citées par CNN évoquaient un autre tir raté de Sarmat. Ces sources précisant d’ailleurs que les Russes avaient prévenu Washington du test à venir. Premier tir raté auquel s’ajoute maintenant l’échec de ce week-end.

Comme le pointait l’analyste militaire russe Pavel Luzin au New York Times en septembre 2023, soit avant le second échec enregistré ce week-end, le déploiement opérationnel du missile était encore largement théorique, compte tenu des tests limités du Sarmat.