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Sur les images des otages emmenés par le Hamas dans l’hôpital Al-Shifa, le Népal trouve une trace de vie de son héros national

Plusieurs survivants du 7 octobre ont raconté comment Bipin Joshi, étudiant de 23 ans, a sauvé plusieurs de ses camarades dans le kibboutz d’Alumim. Porté disparu depuis, il est un des deux otages qu’on aperçoit furtivement sur les images de vidéosurveillance de l’établissement gazaoui.
Capture d'écran de la vidéo diffusée par Tsahal sur laquelle on voit Bibin Joshi (tee-shirt bleu) dans les couloirs de l'hôpital Al-Shifa à Gaza, le 7 octobre 2023. (Capture d'écran vidéo X)
publié le 22 novembre 2023 à 18h55

C’est au travers de vidéos diffusées par l’armée israélienne pour prouver que l’hôpital Al-Shifa de Gaza est le QG du Hamas que le public népalais a eu confirmation, au détour d’une image fugace et floue, que Bipin Joshin, étudiant de 23 ans, n’a pas été tué le 7 octobre et qu’il a été amené à Gaza après le massacre avec plus de 200 otages.

Dimanche 19 novembre, le compte de Tsahal a diffusé deux courtes séquences, filmées par les caméras de surveillance de l’hôpital Al-Shifa. Les vidéos ont été tournées peu avant 11 heures le 7 octobre. On y voit des membres du Hamas, armés, emmener deux hommes dans l’établissement.

Un des otages est seulement vêtu d’un caleçon. Il est blessé au bras, et allongé sur un brancard. L’autre, vêtu d’un tee-shirt bleu clair et d’un short bleu sombre, et chaussé de sandales de plage. Il marche, sans qu’il soit possible de voir s’il est blessé ou pas. Il est l’otage népalais décrit pas Tsahal. C’est Bipin Joshi, porté disparu le 7 octobre.

La dernière image qu’on avait de lui (diffusée le 6 novembre), le montrait pendant l’attaque terroriste du Hamas. On le voit dans le kibboutz Alumim, filmé par une caméra de surveillance, qui indique 10h20. Soit trente-cinq minutes avant qu’il n’apparaisse dans l’hôpital. On distingue son tee-shirt bleu clair et son short. Il est accompagné par plusieurs prisonniers. L’homme qui tient Bipin, vêtu d’un tee-shirt d’un bleu plus foncé et d’un pantalon noir, apparaît également à ses côtés sur les images de l’hôpital.

Cette nouvelle vidéo, fugace, de Bipin Joshi dans Al-Shifa confirme qu’il a donc été pris en otage. Ce dont il n’existait aucune preuve visuelle publique jusqu’alors. Le jeune homme de 23 ans n’avait pas été retrouvé, ni parmi les survivants du kibboutz ni parmi la dizaine de corps des étudiants népalais massacrés ce jour. Mais on savait, à travers les témoignages recueillis, qu’il avait, dans la matinée du 7 octobre, sauvé plusieurs de ses camarades en rejetant une grenade lancée par le Hamas. Il était devenu pour cela un héros, pas seulement dans la presse nationale népalaise. Le Wall Street Journal avait publié le 11 novembre une longue enquête sur lui, intitulée : «Un étudiant népalais sauve ses amis du Hamas, avant d’être porté disparu.»

Grenade renvoyée

Bipin Joshi a quitté le Népal le 13 septembre pour Israël. «Je vais découvrir le monde», a-t-il dit à ses parents, selon le Wall Street Journal. Une cinquantaine de ses camarades sont arrivés en même temps que lui dans le cadre d’un programme d’échange agricole «Apprendre et gagner» («learn and earn», en anglais). Dix-sept d’entre eux se sont retrouvés à Alumim, rejoignant des Thaïlandais qui travaillaient déjà dans le kibboutz.

Avant le 7 octobre, Bipin et ses camarades avaient connu des alertes de roquettes. Mais ils auraient vite mesuré, le jour du massacre du Hamas, qu’il s’agissait de quelque chose de différent. Un des survivants a témoigné : «On a entendu des coups de feu à 5 h 30. Nous sommes tout de suite allés dans le bunker.» Il n’y a pas encore de panique, alors. On trouve, sur les réseaux sociaux, une image de Bipin avec les autres étudiants népalais, prise depuis le bunker où ils sont réfugiés. Bipin est au premier plan avec son tee-shirt bleu clair. Il sourit encore. Derrière lui ses camardes rigolent.

Une heure plus tard, raconte le même rescapé, «des terroristes sont entrés dans le bunker et ont ouvert le feu. Deux de nos amis sont tombés. On a fermé les yeux. Les terroristes sont partis après avoir laissé tomber deux grenades».

La scène suivante a été racontée par de nombreux médias népalais, toujours d’après le témoignage de survivants : Bipin réussit à s’emparer d’une grenade, et à la projeter à l’extérieur avant qu’elle n’explose. La seconde explose, et blesse gravement plusieurs de ses camarades.

Selon le témoignage du même survivant, trois agents de police israéliens sont ensuite arrivés. «Ils ont laissé les cinq blessés, et ont emmené les douze autres dans un autre endroit. C’était un bunker avec une cuisine.» Selon le Nepali Times, une vingtaine de travailleurs thaïlandais avaient aussi trouvé refuge à cet endroit. Une vidéo montre plusieurs jeunes hommes cachés dans cette cuisine, au milieu de sacs de riz. Le Wall Street Journal affirme que les images ont été tournées par Bipin lui-même.

Un autre survivant raconte qu’à 9h30, des terroristes ont fini par trouver les jeunes hommes cachés : «Ils ont attrapé les trois policiers et ont commencé à nous tirer dessus. Je suis tombé au milieu de mes amis. Je me suis rendu compte plus tard que j’étais en vie, après avoir repris connaissance.»

Selon l’article du Nepali Times, Bipin a lui survécu au massacre parce qu’il a été emmené avant par les hommes du Hamas. Lui et quelques autres. «Ils ont pris sept travailleurs thaïlandais, et un des étudiants népalais, Bipin Joshi, puis ont tiré sur tous les autres, en lançant plusieurs grenades.»

Impossible de savoir s’il est en vie aujourd’hui

Des images publiées sur le canal Telegram des «first responders» (les premiers secouristes) montrent, dans ce second bunker où a été prise la vidéo, le sol entièrement recouvert de sang. Les éléments visibles sur la séquence permettent de confirmer qu’il s’agit bien de la même salle où étaient réfugiés les étudiants népalais. Sur une autre photo, également prise après la libération du kibboutz, on distingue de nombreux corps dans des sacs mortuaires, à l’extérieur du même bâtiment.

Plusieurs jours plus tard, le bilan sera dressé par les autorités népalaises : dix étudiants népalais ont été tués à Alumim. Six ont survécu, dont quatre blessés. Restait Bipin, porté disparu.

On a confirmation, depuis le dimanche 19 novembre, que Bipin Joshi a quitté Alumim vivant, et qu’il est entré dans Al-Shifa à 10h55 le 7 octobre, semble-t-il avec un autre otage thaïlandais. On ne sait pas s’il était alors blessé. Il est impossible de savoir ce qu’il est devenu depuis, et s’il est même en vie.

Près de 240 otages sont retenus par le Hamas ou d’autres groupes terroristes autonomes. Une soixantaine aurait été tué lors de bombardements depuis le 7 octobre, sans qu’il soit possible de vérifier cette information.