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Sylvie Retailleau : le Président peut-il vraiment «refuser» la démission d’une ministre ?

Loi immigrationdossier
Dans le cadre de la loi Immigration, la ministre de l’Enseignement supérieur a remis sa démission à Emmanuel Macron, qui l’a «refusée». Mais dans les faits, un membre du gouvernement n’a pas besoin de son approbation (ni de celle de la Première ministre) pour quitter ses fonctions.
Sylvie Retailleau salut Emmanuel Macron le 18 juin lors de la cérémonie de la commémoration de l'appel du général de Gaulle. (Mohammed Badra/AFP)
par Enzo Quenescourt
publié le 22 décembre 2023 à 20h09

C’est en raison d’un «désaccord profond» sur les mesures concernant les étudiants dans la loi immigration et notamment celle de la «caution retour», que Sylvie Retailleau, a présenté sa démission jeudi 21 décembre, selon une annonce de son entourage à l’AFP. Une démission de la ministre de l’Enseignement supérieur qui a été «refusée» par le président de la République et la Première ministre. Mais comme CheckNews l’expliquait déjà en 2018, cela n’empêche (évidemment) pas un membre du gouvernement de quitter ses fonctions s’il le souhaite.

Selon le constitutionnaliste Bastien François, il y a trois cas où les fonctions d’un membre du gouvernement cessent. Deux cas encadrés par la Constitution : la démission du gouvernement dans son ensemble «à l’initiative du Premier ministre ou par une motion de censure» et la révocation prononcée par le président de la République. Il y a un troisième cas, «qui n’est pas prévu par la Constitution, celui d’un ministre qui décide de s’en aller par lui-même».

C’est dans ce dernier cas que s’inscrit Sylvie Retailleau. Et il s’agit d’une procédure informelle «extraordinairement simple», comme l’expliquait le constitutionnaliste Didier Maus. Selon lui, «la Première ministre doit en être averti, puisque formellement, c’est sur sa proposition que le Président démissionne un ministre». Ensuite, c’est bien «le Président qui met fin aux fonctions d’un ministre [car], sur le papier, c’est lui qui signe le décret de nomination», détaille Bastien François. Mais selon lui, il s’agit avant tout de règles de courtoisie : «Le Président n’a pas à accepter ou à refuser une démission comme dans la fonction publique. C’est simplement qu’en général on présente sa démission à une autorité de nomination. Donc si on est poli, on remet une lettre de démission au président en mettant en copie le Premier ministre.»

«Quand on demande l’autorisation, ce n’est pas une vraie démission»

L’ex-ministre de la santé Aurélien Rousseau n’a ainsi pas attendu l’aval du Président pour quitter le gouvernement. Absent du conseil des ministres mercredi au lendemain de l’adoption de la loi Immigration par le Parlement, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a confirmé son départ le matin même.

Et il est le seul à avoir effectivement démissionné. Car Sylvie Retailleau reste donc au gouvernement, ayant reçu l’assurance d’Emmanuel Macron et Elisabeth Borne que «les mesures concernant les étudiants» dans la loi immigration «seraient révisées si elles n’étaient pas censurées par le Conseil constitutionnel», selon son entourage. Pour Bastien François, toute cette histoire relève donc surtout de la communication politique : «Je ne suis pas certain que Retailleau voulait vraiment partir. Elle a fait un geste politique pour indiquer qu’elle s’opposait à certaines mesures et pour calmer le monde universitaire. Quand on demande l’autorisation, ce n’est pas une vraie démission.» Et l’on ne manque pas d’exemples de «vraies» démissions de ministres ces dernières années. Sous François Hollande, plusieurs ministres avaient ainsi claqué unilatéralement la porte du gouvernement (Filippetti, Canfin ou Duflot par exemple). Plus récemment, Nicolas Hulot avait annoncé quitter son poste de ministre de la Transition écologique et solidaire, à la surprise générale, à la radio. Emmanuel Macron avait simplement réagit en expliquant : «C’est un homme libre, je respecte sa liberté.»

Trois autres ministres avaient menacé de quitter le gouvernement en cas d’adoption du texte sur l’immigration (Clément Beaune, Roland Lescure et Patrice Vergriete), mais n’ont pour le moment pas présenté leur démission.