Depuis plusieurs jours, une inquiétude monte quant à la taxe foncière dont devront s’acquitter tous les propriétaires de biens immobiliers en France à l’automne prochain (ou mensuellement s’ils ont opté pour des paiements échelonnés). En effet, plusieurs sites d’actualité évoquent une «nouvelle taxe» sur les terrasses et balcons qui ferait grimper la facture à compter de cette année. Une «nouveauté» qui n’a pas manqué de faire réagir. Sur le réseau social X, une internaute reproche ainsi à l’administration fiscale d’aspirer, par cette mesure, à «tondre les moutons tant qu’ils ont encore de la laine». Tandis que l’économiste Philippe Herlin, connu pour s’être rallié à Eric Zemmour à la dernière présidentielle, traite les impôts de «vampires».
Dès le 7 mars, le magazine Maison & Travaux publie sur son site un article intitulé «Nouvelle taxe terrasse 2025 : voici ce que vous allez devoir payer si vous avez une terrasse ou un balcon». Mais c’est véritablement avec l’article du site ABC Bourse, mis en ligne le 26 mars et titré «une mauvaise nouvelle pour les propriétaires de terrasses et balcons», que l’affaire prend de l’ampleur. La supposée information est alors reprise par différents médias, dont Valeurs actuelles (qui déplore que «les propriétaires de terrasses doivent (encore) passer à la caisse»), ou le journal régional la Voix du Nord (qui a écrit que la taxe foncière s’alourdirait «tout particulièrement pour ceux qui possèdent des logements avec un balcon ou une terrasse», avant de corriger son article).
D’où viendrait cette hausse imposée aux propriétaires de terrasses et balcons ? Pour comprendre, il faut rappeler la méthode suivant laquelle la taxe foncière est calculée. Mentionnons déjà qu’il s’agit d’un impôt local (c’est-à-dire perçu par les collectivités locales), qu’il est dû chaque année par les propriétaires de biens immobiliers, qu’il reste à leur charge peu importe qu’ils occupent leurs biens ou les aient mis en location, et que son montant dépend du niveau de loyer annuel théorique que pourrait générer chaque bien. Traduit en terme technique, le calcul de la taxe foncière est basé sur la «valeur locative cadastrale». Les paramètres de calcul sont nombreux, pour prendre au maximum en compte toutes les particularités que peuvent présenter les logements. Parmi les éléments d’évaluation de la valeur locative cadastrale, figurent pêle-mêle la localisation géographique, la surface des parties habitables et des dépendances, la présence ou non d’un ascenseur dans l’immeuble (pour un appartement), ou encore les éléments dits «de confort» (douche ou baignoire, raccordement au tout-à-l’égout, présence d’un vide-ordures…).
«Aucune nouveauté ou taxation ciblée»
Une fois dressé ce tableau de départ, quelle serait alors la nouveauté qui changerait la donne pour 2025 et les années à venir ? Selon ABC Bourse, elle tiendrait à ce que «les terrasses et balcons sont désormais considérés comme des dépendances fixes et permanentes». Le site d’actualité boursière alerte : «Celles-ci contribuent directement à l’augmentation de la valeur cadastrale du bien, et par conséquent à l’augmentation de la taxe foncière.» A l’en croire, «des espaces de détente ou de loisirs deviennent ainsi des leviers fiscaux supplémentaires pour les communes, augmentant la charge fiscale des propriétaires». Dans un article du mensuel féminin Pleine Vie, les propriétaires sont ainsi invités, pour «limiter cet effet fiscal», à «éviter certaines installations fixes trop coûteuses en évaluation cadastrale», et à privilégier «des aménagements modulables ou démontables».
Sauf que ces articles partent d’un faux postulat, comme le signale à CheckNews la Direction générale des finances publiques (DGFIP). «La prise en compte des balcons et terrasses n’a fait l’objet d’aucun changement récemment», indique l’administration fiscale. De fait, «ils font partie, depuis toujours, des dépendances qui rentrent de manière accessoire dans la description du bien pour son évaluation», au même titre que les garages, caves et greniers, mais aussi les piscines. Mais ces dépendances n’ont «jamais donné lieu à une taxation ou à une revalorisation spécifique», et «il n’y a aucune nouveauté ni nouvelle règle en ce sens cette année», martèle la direction rattachée à Bercy.
A lire aussi
La DGFIP identifie néanmoins une évolution récente qui a pu induire les propriétaires en erreur : la généralisation de l’espace en ligne «Gérer mes biens immobiliers». D’après l’administration fiscale, «les usagers y ont été invités à consulter les informations relatives à leurs biens, et certains ont pu voir mentionnés des balcons ou terrasses dans les descriptifs». Ce qui «a pu être interprété, à tort, comme une nouveauté ou une taxation ciblée».
«Le montant de la taxe foncière dépend aussi des taux votés par les collectivités locales»
Au-delà du malentendu – désormais dissipé – sur le sujet spécifique des terrasses et balcons, un certain nombre de propriétaires vont effectivement voir leur facture flamber cette année. Pour cause, la revalorisation des valeurs locatives cadastrales est indexée sur l’inflation, ou plus exactement sur l’indice du coût de la construction des immeubles à usage d’habitation établi par l’Insee. La hausse du coût a été évaluée à 1,7 % pour 2025. Et les valeurs locatives cadastrales augmenteront donc d’autant.
Toutefois, «la hausse des bases ne signifie pas automatiquement une hausse de 1,7 % de la taxe due», avise la DGFIP. En effet, «le montant de la taxe foncière dépend aussi des taux votés par les collectivités locales», en l’occurrence les communes et intercommunalités, qui peuvent aussi bien décider de maintenir ces taux, que de les réduire ou de les augmenter. La DGFIP schématise : «Si les taux restent constants, la taxe augmente mécaniquement d’environ 1,7 %. Si les collectivités ajustent leurs taux à la hausse ou à la baisse, l’évolution peut être différente.»