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Trois villes françaises figurent-elles parmi les dix plus dangereuses au monde, comme le dit Cyril Hanouna ?

L’affirmation de l’animateur de «Touche pas à mon poste» ne repose sur aucune source fiable.
Cyril Hanouna, à Paris, le 11 mars. (Franck Fife/AFP)
publié le 4 octobre 2023 à 16h06

Dans l’édition du 3 octobre 2023 de Touche pas à mon poste, Cyril Hanouna a consacré une séquence aux incivilités et violences auxquelles sont confrontés les chauffeurs de bus en France. Ce qui amène l’animateur phare de C8 à déplorer une forme d’exception française : «Ce n’est pas comme ça partout. L’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, ça n’a rien à voir avec la France. Il faut savoir qu’aujourd’hui, dans les dix villes les plus dangereuses du monde, il y a trois villes françaises. Je ne vois pas de villes espagnoles ou allemandes.»

De quel classement Cyril Hanouna parle-t-il ? Contactés, ni l’animateur ni la chaîne C8 n’ont répondu à notre demande. A notre connaissance, il n’existe pas de classement mené par un organisme international fiable, qui produit un classement des villes les plus «dangereuses». La notion de danger étant par ailleurs floue et difficile à estimer.

Le sentiment d’insécurité pris en compte

En faisant une recherche, on trouve peut-être la source de l’affirmation d’Hanouna. En 2023, quelques sites comme le média les Eclaireuses ont publié des articles, basés sur le classement de la société Numbeo, affirmant que «trois villes françaises sont dans le classement des villes les plus dangereuses en Europe». Cyril Hanouna aurait donc confondu l’Europe et le monde ? Numbeo réalise aussi un classement mondial, dans lequel la première ville Française (Marseille) apparaît à la 41e position.

Mais au-delà de cette possible confusion, le principal problème demeure le manque de sérieux des classements (qu’il soit mondiaux ou européens) réalisés par Numbeo, et fréquemment critiqués par les organes de factchecking, dont CheckNews. L’entreprise ne se base pas sur les statistiques de la criminalité, mais sur le sentiment de sécurité estimé par les internautes à travers un QCM de quinze questions. Un exercice forcément subjectif, pour lequel il n’est pas nécessaire de fournir un justificatif de domicile, ni même d’avoir visité une ville, car n’importe qui peut donner une note à une ville. Numbeo défend sa méthodologie en affirmant que les comparaisons internationales sont difficiles à faire, car les statistiques ne sont pas enregistrées de la même manière partout dans le monde ou peuvent être faussées par les gouvernements ou les villes des zones les plus défavorisées.

La France hors du top 50 des villes aux plus forts taux d’homicide

A noter qu’un autre classement est souvent cité par la presse internationale : celui d’une association mexicaine, le Conseil citoyen pour la sécurité publique et la justice pénale (CCPSCJ), qui produit chaque année un classement des 50 villes les plus violentes au monde. Aucune ville française ni européenne ne figure dans ce classement, qui vise les villes de plus de 300 000 habitants (comme Marseille). Parmi les 50 villes du classement 2022, 17 sont situées au Mexique, 10 au Brésil, 7 aux Etats-Unis, 6 en Colombie, 4 en Afrique du Sud, 2 au Honduras, et il y en a une pour Porto Rico, Haïti, l’Equateur et la Jamaïque.

Sa méthodologie fait néanmoins l’objet de critiques. Comme le soulignent nos confrères de la rédaction de fact-checking mexicaine Verificado, ce classement se limite uniquement aux homicides et repose sur des données parfois incomplètes. Ainsi à défaut d’avoir pu obtenir des informations des autorités vénézuéliennes, l’association n’a pas pu y faire figurer de villes de ce pays, alors que sa capitale Caracas était déjà arrivée première dans les classements des années précédentes.

D’autres classements comme ceux des sites World Atlas ou Statista, qui repose sur le nombre d’homicides pour 100 000 habitants, ne font figurer aucune ville française dans leur top 50, occupé majoritairement par des villes situées en Amérique.