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Israël : un mois après le massacre du 7 octobre, le bilan précis des victimes demeure inconnu

A ce jour, les éléments disponibles permettent d’estimer ce nombre entre 1200 et 1300, dont près de trois quarts de civils. Souvent évoquée, l’estimation initiale de 1400 pourrait avoir inclus des terroristes du Hamas.
Des victimes de l'attaque du Hamas sur la route principale près du kibboutz Gevim, près de la bande de Gaza, le 7 octobre. (Oren Ziv /AFP)
publié le 7 novembre 2023 à 12h10

Un mois après les attaques du Hamas sur le territoire israélien, aucun bilan détaillé des victimes, qui inclurait leur nom, leur sexe, leur âge, et leur statut (civil, militaire ou policier), n’a encore été diffusé par une source israélienne officielle. De fait, tous les corps rassemblés depuis cette date n’ont pas encore été identifiés : au 2 novembre, on connaissait l’identité de 828 victimes civiles, selon un chiffre qui nous a été communiqué par la police israélienne. Sur combien de victimes au total ? Aucune réponse ne nous a été apportée sur cette question.

Moins de dix jours après l’attaque, les communications officielles, relayées dans la presse internationale, faisaient état de «plus de 1400 victimes», majoritairement civiles. Un chiffre que l’on retrouve par exemple dans la bouche de Benyamin Nétanyahou, le 18 octobre, et qui continue de figurer dans les publications du compte officiel de l’Etat d’Israël. Toutefois, d’autres titres de presse comme le Guardian font état depuis plusieurs semaines d’un bilan inférieur, évoquant «plus de 1300 victimes». Depuis lors, les deux valeurs sont régulièrement rapportées dans les médias, sans que les causes de cette divergence ne soient jamais détaillées. CheckNews a également aussi pu observer que le bilan rapporté par certains médias a connu une fluctuation à la baisse, fin octobre.

Une estimation des victimes civiles passées de 1033 à 962 en cinq jours ?

Au 21 octobre, le Times of Israël – rapportant une estimation de la police israélienne – notait que «1 033 corps de civils tués lors de l’attaque du Hamas le 7 octobre avaient été collectés» sur les sites des massacres, auxquels s’ajoutaient «environ 300 soldats» tués «lors de l’assaut et des combats qui ont suivi à la frontière de Gaza». Portant le bilan «à plus de 1 300 morts». Le chiffre de 300 soldats morts correspond très exactement à celui des membres des forces armées (réservistes et retraités inclus) morts sur la période du 7 au 10 octobre – selon le recensement des Forces de défense d’Israël (IDF), qui présente une liste détaillée de ses victimes sur son site officiel. Sur les seuls 7 et 8 octobre, on décompte 286 morts membres des IDF, dont 54 avec le statut de réserviste.

Mais le nombre de civils tués lors de l’assaut a, semble-t-il, été révisé à la baisse dès le 26 octobre. A cette date en effet, le Times of Israël, citant toujours des sources officielles, mentionnait désormais «808 civils identifiés», représentant 84 % des corps de civils collectés. Ce qui implique donc un bilan civil de 962 morts, et non plus 1033 comme six jours auparavant. Aucune explication sur les raisons de cette baisse ne nous a été donnée par la police israélienne.

Sollicité par CheckNews, un de nos confrères d’un autre média israélien avance une piste pour expliquer cette fluctuation à la baisse. Selon ses informations, le nombre total de civils (qui inclut les simples citoyens et différents représentants des autorités) dont le nom est désormais connu avoisinerait, trente jours après les attaques, les 870, auxquels s’ajouteraient environ «30 corps d’israéliens et 30 corps de ressortissants étrangers» qui n’auraient pas encore été identifiés. Enfin, entre 120 et 130 corps collectés sur les sites des massacres se seraient révélées «appartenir à des terroristes» et auraient été «initialement considérées par Israël comme des victimes» du Hamas. On serait donc, pour les morts du week-end du 7 octobre imputables au Hamas, en deçà des 1300, selon les chiffres communiqués par cette source (en ajoutant les militaires).

La prise en compte initiale de ces corps des terroristes serait, selon notre confrère, à l’origine de l’estimation de plus de 1400 victimes communiqué deux semaines après l’attaque. Sollicitées par CheckNews, ni la police ni les forces armées israéliennes n’avaient confirmé ou infirmé cette explication à l’heure où nous publions cet article. Un responsable du collectif Zaka – bénévoles qui participent à l’identification des corps – nous explique ne pas avoir eu connaissance d’une confusion en ce sens. A l’inverse, il croit savoir qu’une vingtaine de corps initialement considérés comme étant «possiblement» ceux de membres du Hamas se sont avérés, au terme du processus d’identification, ceux de civils israéliens.

Au-delà de ces éventuelles erreurs d’identification, le bilan des victimes a aussi évolué (et peut potentiellement encore croître) à mesure de décès de personnes blessées lors de l’attaque du 7 octobre. Qu’il s’agisse de militaires (comme ce soldat, mort le 27 octobres des suites des blessures subies le 7 octobre) ou de civils.

Il est aussi susceptible d’évoluer selon le sort de nombreuses personnes prises en otage (ou considérées comme tel) à l’issue des assauts, par le Hamas et le Jihad islamique (238 selon une estimation communiquée par IDF le 31 octobre). Ces derniers jours, les noms de certains civils enlevés ou présumés enlevés se sont ajoutés à la liste des victimes de l’attaque – comme ce fut le cas le 30 octobre pour la germano-israélienne Shani Louk, ou le 5 novembre pour la franco-israélienne Ruth Perez, toutes deux disparues au cours du festival de musique de Réïm. La date exacte de leur mort n’étant pas toujours connue, ou communiquée, les inclure ou non dans le macabre décompte des morts du 7 octobre dépendra de la méthode choisie. A l’inverse, on a appris ces derniers jours qu’une fillette de 8 ans considérée comme décédée était en fait retenue otage.

Un bilan définitif encore inconnu

A cette heure, le bilan des victimes civiles et militaires des attaques du 7 octobre n’est donc pas définitif. En raison de l’ampleur du massacre, mais aussi des sévices infligés à de nombreuses victimes, compliquant les identifications. Il faudra attendre plusieurs semaines pour avoir un chiffre précis.

En considérant les informations des différentes sources contactées par CheckNews, le bilan civil provisoire des attaques de ce sanglant week-end serait compris, un mois après, entre 930 et 970 morts, auxquels s’ajoutent les victimes militaires (286 au 8 octobre, 300 au 10 octobre), soit un total compris entre 1200 et 1300 victimes.

Quoique provisoire, ce bilan suffit largement à infirmer certaines allégations colportées sur les réseaux sociaux, qui minorent la part des civils tués et affirment que la majorité des morts du 7 octobre seraient des soldats. Comme l’écrivait récemment CheckNews, le Hamas continue ainsi d’affirmer que les civils n’ont pas été ciblés lors de l’attaque, en dépit d’innombrables preuves du contraire.

Des initiatives pour faire connaître le nom des victimes

A noter enfin que plusieurs initiatives, visant à décompter et nommer chacune des victimes civiles et militaires, sur la base de déclarations de proches ou d’avis nécrologique, ont été lancées en ligne – comme celles des journaux Haaretz ou Jerusalem Post, de l’ONG Action on Armed Violence, ou du site oct7map.

Ces enquêtes, régulièrement mises à jour, demeurent nécessairement imprécises et provisoires, et ne doivent pas être confondues avec un bilan officiel. Ainsi, le nombre de 1132 victimes, affiché sur le site du Haaretz au soir 6 novembre n’atteint pas la «fourchette basse» de l’estimation totale des personnes dont le sort a été scellé le week-end des 7 et 8 octobre. Ce, alors même que le quotidien cherche à comptabiliser non seulement les victimes dudit week-end, mais également les militaires tués, depuis un mois, lors de la riposte armée.

Reste la question de la part, parmi les victimes du Hamas, des femmes et des enfants. Ces derniers se sont retrouvés l’objet d’une intense guerre de communication au cours du mois écoulé. Les comptes officiels de l’Etat israélien avaient, par exemple, communiqué sur un chiffre de «40 bébés massacrés», une donnée qui n’a pas été confirmée depuis. A l’inverse le Hamas, dans un communiqué, avait affirmé «ne pas s’en prendre aux enfants». Une affirmation clairement démentie par les faits. A la différence des données fournies par les autorités, qui demeurent muettes sur l’âge et le sexe des personnes tuées au cours des attaques, les recensements réalisés par les initiatives citées plus haut incluent l’âge d’une partie des victimes. En croisant ces différentes listes provisoires établies par ces initiatives citées, CheckNews décomptait le 6 novembre au soir 29 mineurs tués par le Hamas, dont quatre âgés de 5 ans ou moins. Un total qui, encore une fois, ne peut être considéré comme exhaustif, l’identification des victimes n’étant pas achevée, et les âges n’étant pas systématiquement précisés dans les publications.


[mise à jour du 20/11/2023 : correction du nombre d’enfants de 5 ans et moins identifiés dans les bases de données en date du 6 novembre, mentionné dans le dernier paragraphe (quatre, et non cinq, comme initialement indiqué)]