Question posée le 17 octobre.
Vous nous avez interrogés à propos d’une courte vidéo, partagée sur le réseau social X, et présentée comme montrant Russell Rickford, un professeur d’histoire noire de la prestigieuse université de Cornell, aux Etats-Unis, en train d’évoquer l’attaque du Hamas contre Israël dans ces termes : «C’était exaltant. C’était énergisant. Et s’ils n’étaient pas exaltés par cette remise en cause du monopole de la violence, par cette modification de l’équilibre des pouvoirs, ils ne seraient pas humains. J’étais exalté.» Dans un coin de l’image, on voit apparaître une pancarte en faveur de la Palestine où est noté «Supportez la Palestine. Cessez l’occupation maintenant.» La vidéo a été vue plus de 12 millions de fois.
Cornell University Professor Russell Rickford speaking about Hamas terrorist attacks. Shameful @Cornell. pic.twitter.com/xv1dTqGymy
— Sam Aberman (@samaberman) October 15, 2023
Si cette courte vidéo ne permet pas de connaître le contexte de cette déclaration, le professeur Russell Rickford a reconnu dans une interview au Cornell Daily Sun avoir tenu ces propos. Le quotidien local a d’ailleurs filmé une version plus longue de son intervention dimanche 15 octobre dans la ville d’Ithaca, située dans l’Etat de New York.
Voilà ce que déclare le professeur : «Qu’a fait le Hamas ? Le Hamas a modifié l’équilibre du pouvoir. Le Hamas a brisé l’illusion de l’invincibilité. Voilà ce qu’il a fait. Il n’est pas nécessaire d’être un partisan du Hamas pour le reconnaître. Le Hamas a changé les termes du débat. Les responsables israéliens ont raison : rien ne sera plus comme avant. Le Hamas a remis en cause le monopole de la violence. Et au cours de ces premières heures, alors même que des actes horribles étaient perpétrés, dont beaucoup ne nous seraient révélés que plus tard, de nombreux Gazaouis de bonne volonté, de nombreux Palestiniens de conscience, qui abhorrent la violence, comme vous, comme moi, qui abhorrent le fait de prendre des civils pour cible, comme vous, comme moi, ont pu respirer, ils ont pu respirer pour la première fois depuis des années. C’était exaltant. C’était énergisant. Et s’ils n’étaient pas exaltés par cette remise en cause du monopole de la violence, par ce changement de l’équilibre des pouvoirs, ils ne seraient pas humains. J’étais exalté.»
«Injustice et l’hypocrisie»
Interrogé par le Cornell Daily Sun sur ces propos, qui lui ont valu l’indignation de nombreux internautes et les articles de certains médias soulignant une forme de fascination pour le Hamas, reconnu comme un groupe terroriste aux Etats-Unis, et coupable du massacre de centaines de civils lors de l’attaque du 7 octobre, Russell Rickford assume sa prise de parole. «Ce à quoi je faisais référence, c’est qu’au cours de ces premières heures, lorsqu’ils ont franchi le mur de l’apartheid, cela semblait être un symbole de résistance, et même une nouvelle phase de résistance dans la lutte palestinienne», a détaillé le professeur d’histoire, soulignant que «nous sommes parfaitement conscients de la dévastation, de la destruction et de la dégradation quotidiennes causées par les politiques israéliennes, par l’apartheid israélien et par l’occupation. Dans ce contexte, cet acte de défi consistant à franchir le mur à pied est un symbole important. Il indiquait réellement que la volonté de résistance des Palestiniens n’avait pas été brisée».
A propos du caractère terroriste du Hamas, Russell Rickford a déclaré : «Je tiens à préciser que le Hamas est une organisation fondamentaliste. Il est important de noter qu’à certains égards, le fondamentalisme du Hamas reflète celui des dirigeants israéliens». Assurant qu’il «abhorre le meurtre de civils», le professeur d’histoire a continué de critiquer «l’énorme disproportion, l’énorme inégalité, l’injustice et l’hypocrisie du soutien occidental à la célébration des crimes de guerre israéliens, et l’assimilation de toute forme de résistance palestinienne à du terrorisme».
Des précédents
Dans un communiqué paru lundi 16 octobre, la présidente de l’université de Cornell s’est dite «écœurée par les déclarations qui glorifient la méchanceté du terrorisme du Hamas». «Les membres de notre communauté qui ont fait de telles déclarations ne parlent pas au nom de Cornell ; en fait, ils s’opposent directement à tout ce que nous représentons à Cornell. Il n’y a aucune justification ou équivalent moral à ces actes violents et odieux. J’en suis indignée et, avec les hauts responsables du conseil d’administration de Cornell, je les condamne à nouveau dans les termes les plus forts» a écrit Martha E. Pollack, qui dirige cette université considérée comme l’une des plus prestigieuses du pays.
Le professeur d’histoire noire américaine avait déjà suscité la polémique en 2019, en chantant un slogan pro-palestinien lors d’un rassemblement destiné à la solidarité avec les athlètes et les étudiants noirs de Cornell.
Depuis dix jours et l’attaque du Hamas, plusieurs grandes universités américaines ont vu une partie de leurs étudiants prendre parti pour le Hamas. A Harvard, un communiqué publié dès le 8 octobre par trente-trois associations étudiantes de l’université a provoqué une vive polémique, dénonçant dès ses premières lignes «le régime d’apartheid» israélien, rendu «entièrement responsable» des violences perpétrées par le Hamas. La déclaration avait été dénoncée par certains professeurs, ainsi que par l’ancien président de Harvard, Larry Summers, qui s’était dit «écœuré».