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Un tiers des arrêts de travail sont-ils vraiment injustifiés ?

La reprise simplifiée, sur le réseau social X, des propos du directeur de l’assurance maladie a créé une confusion sur la part des arrêts de travail présumés injustifiés.
En 2023, l’assurance maladie a ainsi procédé à 1,2 million de vérifications par son service de contrôle médical, de patients mais aussi de prescripteurs (professionnels de santé). (Jean-Marc Barrere /Hans Lucas via AFP)
publié le 11 septembre 2024 à 19h41

C’est un passage sur les ondes qui n’est pas passé inaperçu. Invité le 10 septembre sur France Info, Thomas Fatôme, directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) est revenu sur le contrôle des arrêts de travail indemnisés par la Sécu. Une intervention qui a donné lieu à un tweet – un peu réducteur – de la station de radio, et dont le message a parfois été repris tel quel par de nombreux internautes et certains médias.

Le jour même de l’interview du patron de la Cnam dans ses studios, le compte X de France Info écrit ainsi : «Indemnisation des arrêts de travail : “Nous avons convoqué 270 000 assurés en 2023. Dans à peu près 30 % des cas, l’arrêt de travail n’est pas justifié”, affirme Thomas Fatôme, directeur général de la caisse nationale de l’Assurance maladie.»

Dès lors, pour Midi Libre, qui cite également Fatôme, le message devient le suivant : «“Dans à peu près 30 % des cas, l’arrêt de travail n’est pas justifié” : le coût des congés maladie augmente depuis le début de l’année en France». Le compte X d’Europe 1, de son côté, relaie cette information : «Arrêts de travail : un tiers sont injustifiés, selon l’Assurance maladie… Comment faire des économies ?»

«Un arrêt de travail n’est pas injustifié à la base»

Première source de confusion, qui conduit à écrire, dans les versions les plus éloignées de la réalité, que 30 % de l’ensemble des arrêts de travail en France seraient injustifiés : le tweet de France Info. Car à l’écouter, Thomas Fatôme ne dit pas exactement ce qui est reporté par le compte X de la station.

A 4′30, il déclare ainsi : «Nous avons convoqué 270 000 assurés en 2023 sur la base de ciblage : nous regardons les arrêts répétitifs, des arrêts de travail où il n’y a pas de consommation de soins, où on se dit, tiens, il y a peut-être un risque d’abus. Eh bien dans à peu près 30 % des cas, l’arrêt de travail n’est pas justifié. Donc ça existe aussi. Quand on fait des contrôles ciblés, je dis bien des contrôles ciblés.»

La différence avec le tweet de France Info, c’est donc que le directeur de la Cnam parle de contrôles sur un groupe «ciblé» en amont, car présentant des indices d’abus potentiels. D’où, par rapport à cet ensemble «suspect» dès l’origine, un taux élevé de 30 % d’arrêt présumés injustifiés. Mais à aucun moment, Thomas Fatôme n’évoque un tiers d’arrêts injustifiés par rapport à l’ensemble des arrêts maladies, ni au regard de tous les contrôles effectués.

«Il est tout à fait normal que l’on ait un taux important de 30 % dans le cas cité, car les convocations étaient ciblées sur des cas suspects, comme des arrêts de plus de dix-huit mois, des arrêts de la consommation de soins depuis six mois…», confirme auprès de CheckNews, la Caisse nationale d’assurance maladie. La Cnam ajoute que ces arrêts n’étaient pas forcément injustifiés au moment où ils ont été délivrés : «Un arrêt de travail n’est pas injustifié à la base. Quand on notifie une reprise de travail, c’est que l’on considère que la personne est apte au moment où on lui notifie, mais ça ne veut pas dire que l’arrêt n’était pas légitime au moment où il a été décidé.»

«Lutter contre la désinsertion professionnelle»

Les contrôles initiaux, surtout, étaient beaucoup plus nombreux. En 2023, l’assurance maladie a ainsi procédé à 1,2 million de vérifications par son service de contrôle médical, de patients mais aussi de prescripteurs (professionnels de santé). Parmi ces vérifications, 672 000 ont donné lieu à un contact avec le service du contrôle avec l’assuré et/ou le professionnel de santé prescripteur, et 260 000 ont débouché sur des convocations ciblées avec examen clinique par un médecin-conseil. Avec, comme conséquence, 78 000 reprises de travail notifiées. D’où le taux de 30 % (78 000 reprises notifiées/260 000 convocations ciblées avec examen clinique).

Parallèlement à ces reprises notifiées, il y a également eu 75 000 «consolidations en accident du travail ou maladies professionnelles». Autrement dit des décisions constatant la stabilisation de la lésion initiale. Avec ensuite des décisions diverses (reprise de travail, inaptitude…).

«Il faut enfin comprendre que ce travail de contrôle a aussi pour objet de lutter contre la désinsertion professionnelle, ajoute la Cnam. Car l’on a constaté que plus une personne est dans un arrêt de travail long, plus son retour au travail, dans son poste initial ou dans une autre entreprise, est difficile».