Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CheckNews

Une fois son gouvernement censuré, Michel Barnier peut-il être reconduit à Matignon ?

Gouvernement Bayroudossier
Le vote d’une motion de censure ne garantit pas un départ rapide de Michel Barnier. L’actuel Premier ministre peut rester longtemps démissionnaire, voire être nommé de nouveau à la tête du gouvernement.
Le Premier ministre, Michel Barnier, mardi 3 décembre à l'Assemblée nationale. (Julien De Rosa /AFP)
publié le 4 décembre 2024 à 12h23

Sauf coup de théâtre, il n’y échappera pas. Le gouvernement dirigé par Michel Barnier sera très probablement censuré dans la soirée, ce mercredi 4 décembre. La motion de censure déposée par la gauche, signée par 185 députés, et soutenue par les 140 parlementaires du RN, devrait, sans grand suspens, être votée entre vers 20 heures. Au total, le texte peut compter sur l’appui de 325 élus, bien plus que les 288 voix nécessaires – puisque le nombre de députés s’élève actuellement à 574, après trois démissions.

Dès l’annonce des résultats du vote dans l’hémicycle, Michel Barnier ne sera plus Premier ministre de plein droit. La Constitution est très claire sur les implications : «lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure […], le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement» (article 50). A son retour d’Arabie Saoudite, où il effectue une visite d’Etat, Emmanuel Macron devrait donc recevoir au plus vite Michel Barnier afin qu’il lui remette sa démission. Mais le deuxième pilier de l’exécutif ne sera pas forcément tenu de quitter Matignon sur-le-champ. Quatre scénarios s’offrent au chef de l’Etat.

«Ni prérequis, ni interdit»

D’abord, Emmanuel Macron pourrait décider d’imiter le général de Gaulle en refusant la démission de son chef de gouvernement. Un seul exécutif a jusque-là été censuré sous la Ve République, celui de Georges Pompidou le 5 octobre 1962 (la motion de censure avait été adoptée par 280 voix sur 480 députés). Dans la foulée, le Premier ministre avait présenté la démission de son gouvernement à Charles de Gaulle. Sauf que le général l’a alors refusée, avant de prononcer, quatre jours plus tard, la dissolution de l’Assemblée. Les gaullistes sortent largement vainqueurs des élections législatives anticipées, obtiennent la majorité absolue au Palais-Bourbon, et de Gaulle reconduit Pompidou à Matignon.

Si cette solution reste à ce jour la seule issue donnée au vote en faveur d’une motion de censure, elle n’en demeure pas moins anticonstitutionnelle. L’article 8 de la Constitution prévoit que le président de la République doit «mettre fin» aux fonctions du Premier ministre dès lors qu’il a présenté la démission de son gouvernement. Par ailleurs, Macron se trouve dans une situation bien éloignée de celle du général de Gaulle. Non seulement il ne peut pas dissoudre l’Assemblée avant le mois de juillet, puisqu’il l’a déjà dissoute l’été dernier et que la Constitution prévoit un délai minimal d’un an entre deux dissolutions. Mais encore, le chef de l’Etat n’a pas les électeurs avec lui, là où Charles de Gaulle était, lui, quasiment assuré que son camp remporterait les élections s’il appelait les Français aux urnes.

Deuxième option pour Emmanuel Macron : accepter la démission de Michel Barnier, puis le renommer immédiatement à la tête du gouvernement. En soi, aucune disposition constitutionnelle ne s’y oppose, comme l’a rappelé Jean-Jacques Urvoas, professeur de droit public, par ailleurs ancien ministre de la Justice, sur France Info lundi 2 décembre : «Le président de la République fait ce qu’il veut en matière de nomination de Premier ministre. L’article 8 de la Constitution est lapidaire : “Le président de la République nomme le Premier ministre.” Il n’y a ni prérequis, ni interdit. S’il veut renommer Michel Barnier dans la foulée où il accepte sa démission, il est parfaitement libre de le faire.» Pour autant, le chef de l’Etat risquerait de donner l’impression qu’il s’assoit sur la censure de l’Assemblée.

Attal et ses 51 jours d’affaires courantes

Autre possibilité, celle de maintenir un certain temps Michel Barnier au poste de Premier ministre, en lui confiant la gestion des affaires courantes et en laissant traîner son remplacement. En juillet, après la démission de Gabriel Attal, le précédent Premier ministre, le Président avait pris son temps. Et 51 jours s’étaient écoulés avant la nomination de Michel Barnier. Le précédent record de longévité d’un gouvernement démissionnaire en expédition des affaires courantes atteignait 62 jours, en 1962 déjà, Georges Pompidou ayant présenté la démission de son équipe le 5 octobre, puis été de nouveau nommé Premier ministre le 7 décembre.

Dernier cas de figure, qui serait le scénario privilégié selon l’entourage du chef de l’Etat : Emmanuel Macron nomme rapidement quelqu’un d’autre à Matignon, pour prendre le plus tôt possible le relais de Michel Barnier et tenter de faire adopter un budget d’ici la fin de l’année. Plusieurs visages paraissent déjà se détacher. Parmi les alliés et fidèles du Président, le ministre des Armées Sébastien Lecornu est régulièrement cité, de même que le président du Modem François Bayrou, ou le député macroniste Roland Lescure. Du côté de la droite, le président du Sénat, Gérard Larcher, semble le mieux placé, mais les noms du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et du maire de Troyes François Baroin sont également évoqués.