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Une militante féministe passe 26 heures en garde à vue pour des affiches… qu’elle n’a pas collées

A Versailles, une enquête a été ouverte après des collages ciblant Gérald Darmanin et un député Renaissance des Yvelines.

Un collage dans la nuit du 7 juillet 2020, au lendemain de la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur, alors qu'il était accusé de viol. (Samuel Boivin/NurPhoto via AFP)
Publié le 17/09/2025 à 19h29

Laura (1) est une jeune militante La France insoumise, qui œuvre également au sein du collectif féministe Nous Toutes, à Versailles. Mardi 9 septembre, elle rentre chez elle après le travail, vers 15 heures. Et constate, surprise, la présence de quatre policiers sur le parking. «J’ai cru qu’il s’était passé quelque chose de grave dans ma résidence ; en fait ils venaient pour moi» explique-t-elle auprès de CheckNews.

Laura est alors avertie de l’ouverture d’une enquête en flagrance pour des faits d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. Dans ce cadre, sa voiture a été identifiée, la veille au soir, sur des images de vidéo surveillance lors d’une opération de collages féministes. Sur les affiches : des slogans visant le garde des Sceaux démissionnaire, Gérald Darmanin, (sur une affaire de viol le concernant qui a depuis bénéficié d’un non-lieu) ainsi que Charles Rodwell, député Renaissance des Yvelines et conseiller municipal de Versailles.

Perquisition

Laura détaille : «J’ai prêté ma voiture à des copains militants le lundi soir. Je savais qu’ils allaient faire une session de collages. Mais moi, je n’y étais pas. J’étais chez moi toute la soirée et toute la nuit, seule avec mon fils de 4 ans.» Auprès de CheckNews, une amie proche à qui elle a échangé au téléphone dans la soirée, depuis son domicile, corrobore les faits. «Nous discutions de la rentrée chacune chez soi dans notre salon, vers 21 heures, son fils était couché.»

S’ensuit une perquisition chez Laura où est saisie l’intégralité de son matériel militant. En l’espèce des tracts LFI, des affichettes en vue d’une mobilisation qu’elle avait elle-même déclarée en préfecture, le 10 septembre, en faveur des mères isolées, ainsi qu’une pancarte féministe utilisée lors de l’audition de François Bayrou à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’affaire Bétharram. A ce jour, ce matériel ne lui a toujours pas été restitué.

Méthodes pour «terroriser les militants»

Jusqu’au lendemain matin, Laura peine à comprendre la raison exacte de sa présence en garde à vue, qui s’effectue selon elle dans des conditions déplorables et dont les conséquences psychologiques ont imposé un arrêt maladie d’une semaine. «Lors de l’audition devant un policier le lendemain matin, on me demande si c’est moi qui ai collé les affiches, et pourquoi j’avais des tracts du 10 septembre chez moi. Mais aucune question ne m’a été posée sur les personnes qui ont fait les collages.»

Au bout de vingt-quatre heures, sa garde à vue est prolongée. Laura sera finalement libérée deux heures plus tard. La mobilisation qu’elle avait organisée touche à sa fin – elle ne peut pas s’y rendre. La militante dénonce une «disproportion effarante» entre la procédure et ce qui lui est reproché. Et souligne des méthodes pour «terroriser les militants».

«Seuls les contacts siglés “LFI” ont été convoqués»

D’après nos informations, plusieurs personnes figurant dans son journal d’appels, le jour des faits, ont été convoquées en audition libre au commissariat. «Parmi les différentes connaissances avec lesquelles j’ai échangé dans la journée du lundi, seuls les contacts siglés “LFI” ont été convoqués. Ils n’ont rien à voir avec les collages.» Ce que confirme à CheckNews l’un des individus convoqués.

D’après nos informations, l’enquête trouve son origine dans une plainte déposée par un agent de la mairie de Versailles. La municipalité précise ainsi à CheckNews : «Un panneau d’affichage libre mais aussi du mobilier urbain étaient concernés par ces collages. Dans ce dernier cas, il est systématique que les agents de la ville déposent une plainte pour dégradation de mobilier urbain.» Toutefois, la mairie nous indique que la suite ne relève pas de son intention : «La plainte a ensuite été requalifiée pour “outrage à personne dépositaire de l’autorité publique”. L’agent concerné a signé en ligne et accepté cette requalification, mais cela ne relevait pas de notre volonté initiale.»

Sollicité par CheckNews, le parquet de Versailles confirme «la garde à vue d’une femme le 9 septembre 2025 pour des faits d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, en lien avec le collage d’affiches portant notamment sur Gérald Darmanin». Et d’ajouter que les investigations se poursuivent à l’heure actuelle.

(1) Le prénom a été modifié.