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Variant omicron : que sait-on de la «super-contamination» de triple-vaccinés aux îles Féroé ?

Début décembre, 21 soignants triplement vaccinés ont été testés positifs au Covid, une incertitude subsistant quant aux circonstances de l’infection. Si aucun n’a été hospitalisé, l’événement illustre le risque d’échappement immunitaire posé par ce variant.
Dans un centre de vaccination de Copenhague, au Danemark, en septembre. (Ritzau Scanpix/via REUTERS)
publié le 30 décembre 2021 à 18h09
(mis à jour le 31 décembre 2021 à 10h06)
Question posée par Nicolas le 30 décembre

Des chercheurs des îles Féroé (royaume du Danemark) ont mis en ligne le 23 décembre un article en prépublication, rapportant «un événement de super propagation d’infections omicron parmi des travailleurs de la santé triplement vaccinés» qui avaient tous «participé à une réunion privée».

Selon les informations communiquées par les chercheurs, ces soignants s’étaient réunis au cours d’une soirée «au début du mois de décembre», au cours de laquelle les convives ne portaient pas de masque. Dans les jours suivants, plusieurs d’entre eux ont développé des symptômes évocateurs du Covid. L’ensemble des 33 personnes initialement réunies ont effectué un test PCR, qui s’est révélé positif pour 21 d’entre eux. Une proportion «inhabituellement élevée», qui a conduit les personnes en charge du dossier à demander le séquençage du virus.

Les auteurs de l’étude précisent que ce séquençage, commencé le 8 décembre, a donné lieu à la première identification d’omicron sur les îles Féroé. A la date de présentation de ces résultats, 13 des 21 échantillons initiaux, ainsi que quatre autres issus de cas contact, avaient été confirmés positifs au variant. Sollicités par CheckNews, les auteurs nous précisent que tous les participants à la soirée, et pas seulement les 21 infectés, «avaient effectué un test – négatif dans tous les cas – dans les trente-six heures précédant le rassemblement».

Fait notable : l’ensemble des infectés a présenté des symptômes. «Les plus courants étaient la fatigue (15 cas), la fièvre (13 cas), les douleurs musculaires (13 cas) et articulaires (11 cas), les moins courants étant la perte du goût (5 cas) et de l’odorat (4 cas)», détaillent les chercheurs. Chez la plupart des patients, les symptômes ont disparu entre un et neuf jours après leur apparition – seuls cinq personnes rapportaient encore des symptômes deux semaines après l’infection. Aucune situation n’a nécessité d’admission à l’hôpital.

Temps d’incubation bien inférieur

Plusieurs inconnues demeurent sur ce dossier. Tous les participants travaillant dans le même secteur d’activité, auraient-ils pu être infectés ailleurs que lors de la fameuse réunion privée ? Par exemple, sur leur lieu de travail, sur plusieurs jours ? Une question d’autant plus légitime que, selon l’article, la personne à l’origine de la contamination n’a pas été identifiée. Interrogés par CheckNews sur cette éventualité, les auteurs de l’étude jugent cette éventualité «possible, bien que peu probable». «Aucun cas d’Omicron n’avait été enregistré dans les îles Féroé avant ces cas, [et] les participants infectés ont développé des symptômes à quelques jours d’intervalle, ce qui rend probable qu’ils aient été exposés en même temps», nous détaille ainsi Marnar Fríðheim Kristiansen, l’un des auteurs de l’article. «Plusieurs autres personnes ont été infectées ultérieurement dans le cadre de la chaîne de transmission, également sur ce lieu de travail. Cependant, ils n’avaient pas participé au rassemblement et ne sont devenus positifs que plus tard. Pour cette raison, nous pensons que l’explication la plus probable est que la propagation de cette chaîne de transmission Omicron a commencé lors de cet événement.»

Les dates d’apparition des symptômes sont par ailleurs compatibles avec l’hypothèse d’une contamination lors de la soirée. «Si nous supposons que l’exposition au Sars-CoV-2 a eu lieu le soir du rassemblement», écrivent les chercheurs, «la période d’incubation a été courte, allant de deux à six jours», avec une période d’incubation moyenne d’à peine plus de trois jours. De fait, plusieurs publications récentes pointent en effet un temps d’incubation bien inférieur pour omicron que pour les précédents variants, de l’ordre de trois jours.

Les 21 infectés étaient tous entièrement vaccinés, avec trois doses du Comirnaty de Pfizer. Marnar Fríðheim Kristiansen nous précise qu’excepté pour un participant vacciné le 2 décembre (soit quelques jours avant la fameuse réunion), tous avaient reçu une dose de rappel «au moins trois semaines auparavant». Si dans le premier cas, le délai est clairement insuffisant pour que le booster soit considérée comme efficace, il n’en va pas de même pour le reste des convives. Les auteurs n’ont en revanche pas pu nous préciser si une proportion significative des participants non infectés avait reçu une troisième dose depuis plus longtemps que les infectés.

A noter enfin, qu’aucune investigation sur la qualité du ou des lots de vaccin administrés aux membres du cluster n’a apparemment été diligentée.

«Une chaîne de transmission omicron peut être contenue»

De nombreux travaux réalisés depuis un peu plus d’un mois confirment que le variant omicron est susceptible de contourner une partie des défenses immunitaires des personnes immunisées contre d’autres variants (le virus porte une trentaine de mutations sur la protéine spike, principale cible antigénique des anticorps générés par l’infection ou la vaccination).

De récents travaux danois, portant sur les 785 premiers cas d’omicron dans le pays, montrent par ailleurs que 76% des cas concernent des personnes doublement vaccinées (soit moitié plus que ce qui est observé pour delta), et 7% des triplement vaccinées (soit le double de ce qui est observé pour delta). Une récente étude norvégienne portant sur un cluster de personnes essentiellement double vaccinées (96%) a par ailleurs confirmé l’importante capacité de dispersion du variant au cours d’une soirée dans un restaurant : trois quarts des convives avaient été infectés par omicron.

L’étude féroïenne illustre, a minima, le fait que des personnes récemment vaccinées avec une dose de rappel courent toujours le risque d’être infectées. Les chercheurs notent toutefois que les données disponibles suggèrent encore «que la vaccination protège également contre les formes graves de la maladie», même avec le variant omicron, «ce qui souligne encore l’importance de la vaccination».

Les auteurs de l’article jugent que ce cas «montre l’importance de la distanciation sociale et de l’évitement des grands rassemblements festifs pendant la pandémie pour prévenir d’éventuels événements de super propagation». Ils précisent que la chaîne de transmission qui implique les participants de l’étude «a apparemment été stoppée après environ 70 cas», «ce qui démontre que, grâce à une recherche efficace des contacts, une chaîne de transmission omicron peut être contenue.»

Fin décembre, quatre cinquième de la population féroïenne avait un schéma vaccinal complet (deux doses ou une dose post-infection), et un quart avait reçu une dose de rappel.

[Mise à jour du 31/12/2021 à 10h00 : ajout d’une citation de Marnar Fríðheim Kristiansen au cinquième paragraphe.]