Jusqu’à aujourd’hui, le schéma recommandé pour la vaccination contre la variole du singe, à l’aide d’un vaccin antivariolique de troisième génération (1), était d’une dose si l’on avait déjà été vacciné contre la variole dans le passé, de deux doses espacées de quatre semaines dans les autres cas, avec une troisième injection recommandée pour les immunodéprimés. Le niveau de protection contre l’infection ou les formes sévères n’est pas encore évalué avec précision.
Dans un contexte d’urgence sanitaire, et en raison de la disponibilité limitée des vaccins autorisés pour combattre la variole du singe, le ministère de la Santé a indiqué que le délai de 28 jours «serait allongé pour les personnes non immunodéprimées».
Ces derniers jours, divers témoignages rapportaient des annulations de rendez-vous pour leur deuxième dose en France. Dans cette situation, qui n’est pas exclusive à la France, divers acteurs de santé publique s’interrogent sur l’efficacité de l’injection d’une seule et unique dose du fameux vaccin chez les personnes qui n’ont jamais été vaccinées.
Peu d’éléments solides dans la littérature scientifique
Que disent, sur cette question, les études scientifiques publiées dans des revues à comité de lecture ? Pour le moment : pas grand chose.
Seules des études sur la souris, menées au début des années 2000, ont analysé le type de réaction immunitaire induite par une dose unique de vaccin, suggérant l’intérêt d’une ou plusieurs doses supplémentaires pour en prolonger les bénéfices. De fait, la plupart des essais menés ultérieurement évaluent les performances de doubles injections. En 2013 et en 2017, des études ont testé différents schémas dans lesquels la seconde injection est réalisée sans attendre quatre semaines, concluant à une réaction immunitaire plus faible. Si ces observations confirment l’intérêt d’un schéma à deux doses espacé d’au moins mois, elles ne répondent donc pas à une question d’intérêt général : à quelle vitesse les défenses acquises en cas d’une seule et unique injection de ce vaccin s’évanouissent-elles ?
La quasi-totalité des études qui évaluent la réponse immunitaire comportent toujours une seconde injection, et les rares qui étudient les effets d’une dose unique… n’effectuent pas de mesures sur le long terme. Dans des travaux sur le macaque publiés en 2008, une protection contre le virus responsable de la variole du singe était constatée dans les quatre à six jours après l’injection. On ignore cependant combien de temps une telle protection peut se maintenir. Bernard Moss, co-auteur des travaux de 2008, confirme à CheckNews que «l’objectif de l’étude était de déterminer à quelle vitesse l’immunité était atteinte avec une dose. Nous n’avons pas cherché à déterminer la durée de protection».
Mariano
« La raison pour laquelle il est préférable d’administrer deux doses de vaccin MVA plutôt qu’une seule est simplement de renforcer l’immunogénicité provoquée par une seule dose, qui est toujours inférieure à celle du schéma à deux doses, tant en termes d’anticorps totaux de liaison que de titres d’anticorps neutralisants. Nous ne savons pas si, dans le cas de la variole du singe, une dose unique [de ce vaccin] protège contre l’infection par le virus, et pendant combien de temps. Ces études sont nécessaires. En raison de l’approvisionnement limité [de ce vaccin], il est suggéré que nous devrions [débuter avec] une dose unique et voir son efficacité chez les personnes vaccinées. Le schéma à deux doses sera plus approprié pour les personnes immunodéficientes. »
Au moins deux ans de protection, selon des résultats mis en ligne en 2019
A défaut d’études dûment relues et critiquées par les pairs, il faut se tourner – avec toutes les réserves d’usages – vers les résultats d’essais cliniques qui n’ont pas encore été soumis aux revues scientifiques. Dans un récent échange avec un journaliste de Science, le chercheur Paul Chaplin, également PDG de l’entreprise qui produit le vaccin, évoquait «des études montrant que les réponses immunitaires déclenchées par une seule injection diminuaient après deux ans».
«La mémoire immunitaire est si forte après une dose unique, affirmait-il au journal scientifique, qu’un rappel administré deux ans plus tard entraîne la même réponse immunitaire que le calendrier standard». Sollicité par CheckNews, Paul Chaplin a précisé faire référence à un essai clinique conclu en 2009, dont les résultats ont été publié en ligne en 2019. L’essai à évalué les taux d’anticorps sanguins d’environ 300 volontaires ayant participé à une précédente étude sur le vaccin. Parmi eux, 183 personnes jamais vaccinées contre la variole avaient reçu soit une, soit deux doses du vaccin. Selon les données rendues publiques, des niveaux d’anticorps sensiblement élevés sont toujours détectables deux ans après une injection unique. De même, l’administration d’une seconde dose après ce délai semble compléter le schéma vaccinal de manière satisfaisante.
Le Centre de contrôle des maladies étasunien à confirmé au magazine Science que le schéma à une dose unique de vaccin «n’avait pas été étudiée dans le cadre d’une épidémie» et jugé qu’il était difficile d’extrapoler des informations à partir de données sur les réponses immunitaires présentées dans les études animales disponibles à ce jour.