Vingt steaks ou un smartphone, même combat ? C’est ce que sous-entend l’un des vidéastes d’Osons Causer, chaîne de vulgarisation présente sur YouTube, Facebook et Instagram, dans une récente vidéo intitulée «Tu te sens écolo, mais t’aimes trop la viande pour arrêter ?».
L’auteur y affirme ainsi : «Oui, la viande, c’est mauvais pour le climat. 20 steaks hachés, ça a le même impact sur le climat qu’un iPhone 14 pro avec tout le tungstène, les terres rares, les micropuces et tout ce que vous imaginez.»
Tu veux agir pour le climat mais tu aimes trop la viande pour arrêter ?
— Osons Causer (@OsonsCauser) December 12, 2022
Une astuce toute simple pour commencer à baisser - pas mal - son impact alimentaire sans renoncer au barbeuc. pic.twitter.com/2Cba6XpFyy
Des émissions similaires…
Pour comparer des produits aussi différents, le premier réflexe est de regarder leur empreinte carbone – autrement dit, la quantité de gaz à effet de serre qu’ils émettent au fil de leur vie. Cette comparaison, dite en «analyse de cycle de vie» (ACV), donne des résultats exprimés en kilogrammes d’équivalent CO2 (kg CO2 eq), qui regroupent l’ensemble des gaz à effet de serre émis par le produit.
Concernant les steaks hachés, la base de données Agribalyse, créée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), évalue les émissions à 52,44 kg d’équivalent CO2 par kilogramme de produit, cuisson incluse. Ainsi, l’empreinte carbone de 20 steaks hachés (de 100 grammes chacun), de l’élevage à la consommation, serait d’environ 105 kg d’équivalent CO2.
Côté smartphones, une récente étude du cabinet de conseil Deloitte chiffrait à 85 kg d’équivalent CO2 les émissions au cours de la première année de vie, fabrication incluse, plus 8 kg d’équivalent CO2 liés à l’usage – sans compter les émissions additionnelles liées au recyclage (ou non) de ses éléments en fin de vie. Des chiffres cohérents avec ceux affichés par Apple dans la notice environnementale produit de l’iPhone 14 Pro : selon la capacité de stockage, l’empreinte carbone de l’appareil varierait entre 65 et 116 kilogrammes d’équivalent CO2.
… Mais des impacts bien distincts
Si les chiffres, en matière d’empreinte carbone, sont extrêmement proches, la comparaison a toutefois plusieurs limites. D’une part, les estimations d’émissions dépendent de nombreuses hypothèses : il faut donc lire les résultats affichés comme des ordres de grandeur, plus que comme des valeurs exactes. C’est particulièrement vrai s’agissant du bœuf, pour lequel il existe une «forte variabilité des émissions selon les modes d’élevage», comme l’explique une note de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), mais également des facteurs difficiles à modéliser, comme le stockage du carbone dans les prairies. Résultat, les estimations, comme celles de l’Ademe, peuvent évoluer : contactée par CheckNews, l’Agence explique que suite à des «modifications méthodologiques importantes», la nouvelle version de la base de données Agribalyse (3.1, disponible en ligne en 2023) considérera que le steak cuit émet 43,2 kg d’équivalent CO2 par kilo de produit, soit une baisse de près de 20% par rapport à l’estimation actuelle.
Enfin, les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas les seuls facteurs d’impact sur le «climat», et encore moins sur l’environnement dans son ensemble. Or, si des statistiques existent pour comparer d’autres paramètres entre un kilo de steak et un smartphone (impact sur la couche d’ozone, acidification des eaux, utilisation de métaux…), les enjeux liés à leur production restent foncièrement différents. D’un côté, l’agriculture et l’élevage intensifs sont responsables d’une part importante de la déforestation mondiale et de la chute de la biodiversité ; de l’autre, l’extraction minière est très gourmande en matériaux, en énergie ou en eau.
En résumé, les empreintes carbone de 20 steaks hachés et d’un smartphone dernier cri sont – actuellement – semblables. C’est-à-dire que tous les 20 steaks hachés, on cause l’émission d’autant d’équivalent CO2 que pour un iPhone. Toutefois, il semble difficile de mettre les deux produits sur le même plan. Surtout, s’agissant des smartphones, des solutions relativement simples existent. Comme le souligne l’Ademe, doubler la durée de vie de son smartphone «améliore de 50% son bilan environnemental» ; quant à l’achat d’un smartphone reconditionné, il permet de réduire son impact environnemental «de 77% à 91%» par rapport à celui d’un neuf.