Samedi
Tant de belles personnes.
La Belle Personne, de Christophe Honoré. Deux heures de grâce et de passion. Baisers. Frôlements. Sourires. Chute.
On sursaute à découvrir les seins de Junie de Chartres, soudain livrés à Nemours, dans le creux d'un manteau, comme si la chair n'y était pas : or elle est dans chaque plan. Je cite Mme de La Fayette : «Jamais Cour n'a eu tant de belles personnes.» Oui, la Princesse de Clèves, jeté aux chiens par notre président bien-aimé, nous revient. On n'en finit pas ainsi avec notre premier roman. Comme Radiguet, Honoré a placé son chevalet devant le grand tableau. La cour de France se transporte dans le XVIe arrondissement, plus précisément au lycée Molière, scène mélancolique où se déchirent de jeunes grands noms - et avec quel talent - Louis Garrel, Léa Seydoux, Grégoire Leprince-Ringuet. Tous trois jouent de «belles personnes». Quant à Garrel, ici professeur d'italien, entre Eros Romazzotti et Lucia di Lammermoor, il a les yeux de Malraux jeune, l'iris collé aux paupières, qui fait cet air absent. Grand acteur, déjà. Retour au Président : que ses chiens aient lu ou non la Princesse de Clèves, qu'ils aient mangé ce livre ou non, qu'ils l'aient flairé, reniflé, léché, importe peu. Le doigt du monarque désigne son impossible : ce qui ne peut se dire. Ce qui se retient. Surtout : ce qui est inutile. Et Garrel-Nemours de pleurer Léa-mademoiselle de Chartres, libre, inaccessible, silencieuse : notre antipode.
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