Menu
Libération

Les invisibles de l’histoire

Article réservé aux abonnés
Mon journal
par Dominique CONIL
publié le 8 novembre 2008 à 6h51

Samedi

Phéromones femelles

Elle m'a convoquée plus qu'invitée. Onze heures du matin sur les Champs. Ni ses heures, ni mes quartiers. A la terrasse du café, elle tenait un minuscule flacon bleu nuit. «Je me suis acheté des phéromones femelles.» Michèle a dévissé le bouchon, air efficace. Des phéromones, mâles ou femelles, je connaissais surtout ces marguerites jaunâtres qu'on colle sur les vitres afin de zigouiller les mouches. «Sens !», m'a-t-elle ordonné. «Les phéromones, c'est ce qui attire sexuellement, à notre insu. On sait les reconstituer chimiquement maintenant. Gros succès aux USA.» Et elle a marché droit vers le cobaye assis tout près, qui lisait Variety, me laissant à des visions de mâles américains affolés de désirs incohérents. Il a levé la tête. Il l'a regardée. «Tu vois ? A portée d'effluve.»

En première couche c'était un homme en gabardine, tee-shirt en dessous, belles chaussures. En seconde couche, restait un homme entre deux âges, calvitie naissante, brioche probable, cernes sous les yeux baissés. Peut-être un homme qui remonte ses genoux la nuit, remué de peur. Il regardait Michèle, incertain. «Tu vois, a dit Michèle. Les phéromones, c'est marqué, là, ça draine la sympathie. C'est pour le boulot, tu sais.»«J'ai 50 ans, moi, a-t-elle repris, je suis déjà survivante, les autres ont été virés. Hier, je lis dans Elle qu'il faut m'enduire les mains de fond de teint