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Libération

Einstein, illustre colocataire

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publié le 14 mars 2009 à 6h51

«C'est ici que vécut, dans un immeuble détruit durant la dernière guerre, de 1918 à 1933, Albert Einstein, physicien et prix Nobel», dit une inscription sur le bloc de granit planté sur le bout de gazon devant un immeuble moderne de la Haberlandstrasse dans le quartier de Schöneberg, en plein cœur de l'ancien Berlin-Ouest. Combien de fois suis-je passée sur le trottoir sans remarquer cet hommage ? Mes yeux ont fini par trébucher par hasard sur ce petit mémorial d'une sobriété attendrissante. Pas de marbre pour Albert Einstein. Pas même de la fonte ou de la céramique, mais du vulgaire granit qui résiste à la neige mouillée de l'hiver berlinois. Sur le balcon du troisième étage, entre l'antenne-satellite et les pots de géraniums, un locataire a suspendu une banderole : «E = mc2».

Dans cette rue sans âme, on a du mal à sentir passer le souffle du génie. Rien ne rappelle ici le Berlin d’Albert Einstein qui émigra en 1933. Ni les balcons de tôle ondulée, ni la clôture du maigre jardinet qui entoure le bâtiment construit dans les années 50. Les immeubles tournant du siècle aux façades couleur sucre d’orge ont été détruits. La bourgeoisie juive qui vivait là, les médecins, les avocats, les hommes d’affaires, les artistes, comme Gisèle Freund qui habitait l’immeuble d’en face, ont immigré ou ont été déportés. Très peu sont revenus après la guerre.

Proust. Ce quartier que l'on surnommait avant la guerre la «Suisse juive» de Berlin a perdu sa population. La Haberlandst