Samedi Des armes
A l'aube, le plaisir d'un mécanisme parfait : tirer doucement le levier, introduire une cartouche dans son logement, repousser le bras de métal brossé qui résiste un peu en fin de course, preuve que la munition est bien enclenchée. Puis appuyer sur la détente, entendre la machine vibrer, la tasse trembler en se remplissant d'un café noir et mousseux, avant de rouvrir la culasse pour éjecter la capsule utilisée, et résister à la tentation d'en tirer une autre - je dis tirer, comme on tire le vin ou les lièvres, on tire aujourd'hui le café. Je suis si fier de ma Nespresso que je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée émue pour ceux qui en sont encore à verser leur poudre noire dans des dispositifs plus ou moins archaïques, tromblons et escopettes de la cafetière. La sainte alliance de l'agroalimentaire et de l'industrie d'armement offre la possibilité, à qui n'a jamais servi un canon Krupp, de charger une cafetière Krups. Je me prends à rêver aux développements postérieurs de cette révolution : bientôt l'arme sera automatique ; je pourrai enclencher un chargeur de dix voire de trente capsules et tirer douze cafés à la minute. Evidemment, vous m'objecterez que ce système a les inconvénients de son modèle martial, que les douilles de métal polluent, qu'une telle débauche de technologie met le café au prix des amphétamines. Soit. Mais quelle cafetière vous permet de chanter, comme Noir Désir sur des paroles de Léo Ferré : «Des armes, des chouet