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Libération

L’école de l’instantané

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publié le 24 octobre 2009 à 0h00

C’est une scène primitive. Prise en 1870, cette image marque en effet la naissance d’un cérémonial scolaire, républicain et laïque, qui perdure aujourd’hui. La photo de classe. Si elle n’était pas si ancienne, si passée, on pourrait s’y retrouver. On remarque cependant que cette familiarité n’est pas entière. Dans cette première mise en place, le rituel se cherche et les codes hésitent.

Le centre, tant de l’image que du pouvoir, est pleinement occupé par le maître, l’instituteur de tous les savoirs. Cette posture depuis plus d’un siècle n’a guère variée. Mais sur son visage on voit qu’il est d’un autre temps : barbichettes et moustaches façon Second Empire. Parce que c’était la mode, mais aussi parce que cette mâle pilosité le vieillit. Car il est jeune ce pédagogue que bientôt on appellera «hussard de la République». Et méritant, quand, à cette époque, les congrégations catholiques prétendaient au monopole de l’enseignement.

Mais ce qui trouble comme un vertige c'est d'imaginer que ce jeune instit est contemporain de la Commune de Paris, donc des utopies qu'elle a soulevées, donc de la politique comme poésie, donc de Rimbaud qui avait 16 ans en 1870, et qui était loin d'être étudié dans les écoles mais avait déjà écrit Ma bohème. Du coup, on songe à Georges Izambard qui, au collège de Charleville, fut le professeur et mentor d'Arthur.

On remarque aussi que le jeune instit s’est habillé de propre et de beau pour la photo. Un manteau à double boutonnage et col de velou