En silence
Pour amorcer quelque chose qu'on se gardera bien de qualifier de mode, les premiers furent, durant l'année 2007 de certaine élection présidentielle, ceux du «technocentre» de Renault, à Guyancourt. Premiers suicidés enfin visibles, premieres victimes d'un Travailler plus qui leur tint lieu d'épitaphe, il faudrait à ceux-là bien des disciples pour que leur geste soit regardé comme un peu plus qu'un accident du travail. Des mois durant, on disputa des motivations amenant un salarié à se pendre, s'ouvrir les veines ou se défenestrer sur les lieux de son labeur. Puis, on s'y fit. Deux autres douzaines de cadavres, à la Poste, établirent que le phénomène n'était pas marginal, et le harcèlement moral non plus. On découvrit - ou redécouvrit - alors que le travail stresse et tue, quasi institutionnellement parmi les policiers et les enseignants, et avec une déconcertante banalité chez les smicards et les employés postés (1).
«Time to Move», comme on dit à la Direction des relations inhumaines d'Orange ou d'ailleurs, puisque ce modèle de gestion est lui aussi globalisé. En deux années, le désespoir des mêmes salariés qui, ici ou là délocalisés, agitèrent un temps la menace de faire sauter leurs boîtes, prirent au sérieux celle de se faire sauter le caisson. Avec suffisamment de passages à l'acte pour que leur geste soit assimilé à une forme de lutte sociale. Ainsi, dans les rapports sociaux de production capitalistes, s'est banali