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Libération

Train de vie

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publié le 14 novembre 2009 à 0h00

Quelle allégresse dans cette image, qui ne tient pas qu’à son actualité du moment, mais quand même : ce jour-là, 5 octobre 1989, des Allemands de l’Est arrivent dans une gare de RFA après avoir franchi la frontière enfin ouverte entre l’Allemagne de l’Ouest et la Tchécoslovaquie. Même si tous les passagers ne sont pas penchés aux fenêtres, on peut supposer qu’il ne devait pas rester beaucoup de places assises dans ce train de la liberté.

Du premier plan au second, les visages sont jeunes, souriants, criants de couleurs. On dirait une rangée de fleurs en bordure d’un balcon. Ils se sentent sûrement rares, rescapés et chanceux. Ils ne savent pas encore, ne peuvent pas imaginer qu’un mois plus tard, l’exploit de passer à l’Ouest deviendra l’ordinaire de tout un peuple. Ils croient écrire un chapitre de l’histoire, ils n’en sont que la préface. Mais bon, ce jour d’octobre 1989, le bonheur est là dans le train de la joie.

Derrière ces évidences, quelques énigmes se dessinent. Ces «déplacés» de l'Est sont résumés par un festival de leurs mains levées et agitées. Que disent-elles ? Bonjour (la liberté) ? Adieu (la dictature) ? D'habitude, c'est-à-dire en feuilletant le livre des images du XXe siècle, c'est plutôt dans les archives de guerre qu'on voit ce genre d'allégresse collective et ferroviaire : les mobilisés qui montent au front la fleur au fusil, les démobilisés qui en reviennent, un chrysanthème à la boutonnière, trop heureux d'en avoir réchappé. Guerre et paix.

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