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Libération

La (bonne) soupe des uns et la chorba des autres

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publié le 21 mai 2010 à 0h00

De «la crise» et tout ce qu'elle recouvre, on devrait cesser de gloser avec les mots de l'adversaire (marchés, taux d'intérêts, croissance, déficits publics, inflation, déflation, etc.) qui, la désincarnant, la réduisent à une inéluctable abstraction ; à une expertise. Une lectrice nous suggéra cela qui nous invitait, dans un courrier rédigé à la main et à la maison, à y aller voir de plus près. Elle n'évoquait pas la perte de son emploi ou la réduction de sa pension de retraite, mais un autre versant de «la crise», qu'elle observe de sa fenêtre dans une file d'affamés qui s'allonge tous les jours, désormais, dans l'ombre même de ces succursales bancaires aux profits si profus que leur seule évocation touche à l'obscène. Qu'est-ce qui nous fit nous déplacer ? Ce détail, sans doute : un jour descendue pour glisser un billet de cinq euros à une femme désemparée («pour un café, ça vous réchauffera»), notre correspondante s'entendit répondre : «Mais, Madame, pour un café, c'est beaucoup trop.» Et là, l'idée que le bonheur égoïste n'est pas concevable aux marges d'un océan de misère, c'est le commencement et la survie du communisme.

Une distribution de soupe, donc, une de plus et d’une poignante banalité tant, de Barbès à la gare du Nord, du Père-Lachaise au terre-plein du Colonel-Fabien, elles font partie du paysage de l’est parisien. On en a vu trop d’autres. Pourtant, aux dires mêmes de ses habitués, la synthèse que celle-ci réalise dans la cohabitation d’une