Je suis un enfant gâté...
Et si l'on se réveillait ? Et si la réforme des retraites n'était pas pliée ? Mardi, le succès - presque surprenant, tant le matraquage propagandiste de la droite a bien lavé les têtes - de la manifestation solitaire mais vigoureuse de Force ouvrière ne laissait plus tout à fait exclure cette hypothèse, et, dans la perspective de celle de jeudi prochain, c'est bien. Ce qui l'est moins, c'est d'entendre encore et toujours scander la fatalité démographique qui, moulinée par des experts-comptables, prétend encore nous imposer une vie sans espérance. Car «travailler plus pour gagner plus», ce n'est pas une espérance et ce n'est pas une vie.
A l'heure où, en creusant un peu, l'on s'aperçoit (enfin!) que ladite «espérance de vie» est une statistique qui ne vaut qu'à la naissance et qu'au terme d'une carrière, un ouvrier meurt neuf ou dix ans avant un cadre, il fallait à ce lancinant refrain, qui convainc mal, une nouvelle orchestration. Un certain Louis Chauvel, sociologue en chaire à Sciences-Po et quadra terra-novien, qui en fait son beurre depuis une dizaine d'années, me disait mardi le journal, l'a mis en musique dans un ouvrage intitulé le Destin des générations. A l'oreille, ce titre fait écho au fameux Choc des civilisations, de Samuel Huntington : et de même que le professeur à Harvard nous y bricola en 1996, entre chute du mur de Berlin et guerre en Irak, la théorie d'une nouvelle guerre de religions, not