Samedi
Accélération de l’existence
Il faudrait que je me fasse une tête comment ? Pauvre garçon d'écurie ou général en chef d'une armée en déroute… Réveil le matin de bonne heure. Même sursaut, même petite peur que tous les jours en ouvrant un œil. Douche froide. Le corps noué. Chaque jour qui se lève ressemble pour moi à une convalescence. Ma tête sur l'oreiller encore pleine des choses inintelligibles de la nuit. Avignon. Depuis une semaine, nous répétons la Tragédie du roi Richard II, de William Shakespeare, dans la cour du palais des Papes. Je m'appelle Scroope, Sir Stephen, fameux combattant anglais, paraît-il, et porteur de bien tristes nouvelles, sous le règne du roi Richard II. Une heure plus tard, changement de costume dans la nuit, je suis un palefrenier des écuries du roi. Je m'approche de lui dans sa prison. Les deux ou trois phrases que je dois prononcer me restent dans la gorge. Face à Denis Podalydès. Un magnifique roi Richard. Regard effaré, à la fois désespéré, drôle, avec cette ultime fierté de ceux qui font de leur lâcheté, de leurs incertitudes comme de leurs espoirs vains, leur toute dernière passion. J'éprouve ce matin un sentiment d'accélération de l'existence. Une règle de vie : faire de soi quelque chose d'inconnu, avoir chaque jour l'impression qu'on pourrait faire plus et plus vite. On respire à fond dans de telles accélérations. Ajoutez-y l'amitié et l'amour. Des désirs de pure gratuité. Et quelques ri