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Libération

Comme les doigts de la faim

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publié le 28 août 2010 à 0h00

Dans Level 5, Chris Marker se fiche de ceux qui aiment les films de guerre, quand ils les aiment pour leur prétention de vérité (le bruit, la fureur). Une phrase lui suffit, en substance : «Le jour où on pourra avoir aussi l'odeur, il n'y aura plus grand monde dans les salles.» Idem de la photo de catastrophe, famine, douleurs historiques en tout genre. Comment représenter un plein qui est un trou, une chose arrachée, sinon en mentant, en donnant à voir autre chose, une figure de style soutenue venant à la place de l'insoutenable ?

Ici des mains tendues, comme en demande, dont certaines sont pourtant repliées, presque pendantes (peut-être n'y a-t-il finalement rien, dans cet extérieur auquel elles ne s'adressent pas) et celle de cette femme, la seule, en bas au milieu qui semble plutôt faire un signe de protestation ou de résignation vers le ciel. De fait, la photo est presque prise du point de vue de cela ou celui qu'on attend ou qu'on menace dans un même désir ambivalent. Le regardeur est pointé d'une multitude de doigts, mais pas tout à fait, juste à côté, on pourrait aussi bien se carapater sans que personne ne nous rattrape. Ce banc de mains est en route vers un ailleurs qui ne nous concerne pas, un peu à droite, qu'on ne voit pas. Ce sont, nous apprend la légende, les victimes des inondations du Pakistan qui «attendent la distribution de nourriture, le 21 août, dans un village du Pendjab».

Evidemment, s’il fallait représenter la faim, on serait mieux in