Cette photographie réactualise une vieille blague. Celle du fou qui, en regardant à travers les barreaux de son asile, demande au visiteur : vous êtes combien là-dedans ? Et conséquemment une question nettement plus intrigante ; quel effet cela fait-il d’être enfermé à l’extérieur ? Ces soldats sont américains et déambulent entre des murs de barbelés du camp de prisonniers irakiens de Bucca.
C’est, nous informe la légende, un couloir de sécurité destiné à séparer des détenus jugés particulièrement dangereux. Mais les séparer de quoi ? Qui des prisonniers ou des soldats sont le plus en liberté ? Que voit-on dans les parages ? Pas exactement l’idée qu’on se fait d’une prison ordinaire. Un camp de toiles, des silhouettes, accroupies, debout ou allongées, du linge sur des cordes tendues entre les tentes. Mais ce premier effet de camping ordinaire est relatif, car ce qui frappe surtout, c’est la luminosité blafarde de cette photo prise de nuit. En haut des nombreux mats, de puissants projecteurs, qui évoquent l’éclairage d’un stade de foot. Le plein jour en pleine nuit, empêcher de dormir, contrarier le sommeil, c’est un classique de la détention quand elle se veut coercitive et cruelle.
Les soldats du «pays de la démocratie et de la liberté» seraient donc un peu plus à l'aise que les ressortissants irakiens, condamnés à ces vacances en forme de Club Med de la terreur illuminée.
Du coup, ne serait-ce que parce qu’ils sont plus visibles que leurs prisonniers, on scrute les g