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Libération

Le front du refus

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publié le 5 février 2011 à 0h00

Cette photo d'actualité prise le 31 janvier risque d'être déjà périmée si le staccato des bouleversements en Egypte accélère son rythme. Il faut donc la regarder déjà comme une archive. L'hier étant fatalement autrefois, il était une femme qui, ce jour-là, sur la place Tahir, pour exprimer son sentiment l'afficha sur son front. Cette apostrophe comminatoire a une adresse précise : Hosni Moubarak, momie suprême de la nation égyptienne. Il faudrait à cet égard poser en regard de cette image, un autre cliché pris dans les allées désertes du musée des Antiquités égyptiennes, où l'on voit des soldats de l'armée «sécuriser» les lieux, suite à un début de pillage. Il est vrai que le moindre bout de hiéroglyphe même cassé, revendu au marché noir, pourrait faire vivre une famille égyptienne sur plusieurs générations. Les pillards avaient semble-t-il dérobé des momies, dont depuis on n'a retrouvé que les têtes. On dirait la chanson de Boris Vian à la sauce harissa : «Hosni, où t'as mis le corps ? Ça a une certaine importance.» Tête de momie pour tête de momie, c'est aussi celle de Moubarak que réclame métaphoriquement cette femme. Ou, plus exactement c'est son front qui refuse, ce qui donne corps à l'expression «front du refus». On note que, dans le paysage de ce beau visage, se dessine une sorte de trilogie en rouge : celui du slogan, celui des lèvres et celui du foulard qui ceint sa tête. A cet égard vestimentaire, pas de conclusion aussi inconsciente que hâtive : foulard ne rime pa