Le portrait de la jeune Afghane Bibi Aisha, pris par la photojournaliste sud-africaine Jodi Bieber, a reçu vendredi 11 février le grand prix 2010 du World Press Photo. «Il y a une impuissance et une dignité très forte dans le regard de cette jeune femme qui nous a tous profondément touchés. C'est une photo qui est très difficile à voir», a déclaré David Burnett qui présidait le jury de cette récompense généralement qualifiée de prestigieuse.
L'image en réalité ne parle pas d'elle-même sinon qu'elle exhibe une mutilation, une plaie cicatrisée. L'œil est irrésistiblement attiré par le trou au milieu de la figure, rendu d'autant plus choquant qu'il est cerné par la beauté intacte de la bouche, des cheveux, de la peau fine et du regard profond évoquant on ne sait quel portrait impavide d'aristocrate italienne du XVIe siècle peinte par De Vinci ou Bronzino.
Qu'est-il donc arrivé à la malheureuse Bibi Aisha ? Son nez et ses oreilles ont été tranchés au couteau par son mari après qu'elle eut tenté de s'enfuir du foyer conjugal, épuisée par les mauvais traitements dont elle était la victime depuis son mariage à l'âge de 12 ans. Au même titre que la défiguration au vitriol des épouses pakistanaises ou bangladaises, c'est l'homme offensé qui réclame, pour sauver sa face, d'attenter violemment à l'intégrité de celle qui a eu l'idée - saugrenue - de défier l'ordre patriarcal arriéré. Photo «difficile à voir», histoire atroce, pratiques barbares. Mais une fois