Aune exception près et partant d'autant plus évidente, il n'y a, sur cette photo d'un petit groupe manifestant, que des femmes. Et pour cause. Les voilà en 1914 dans le jardin des Tuileries, revendiquant des droits minimum pour les femmes qui n'en avaient pratiquement aucun, sinon celui de se taire. On voudrait pouvoir nommer - elles qui portent toutes le nom de leur mari ou de leur père - et honorer ces courageuses par leurs seuls prénoms. Comme dans une ritournelle ancestrale : «Y avait Caroline, Lydie, Séverine et Marguerite…»
Elles sont ici en marche, elles avancent pour le futur, elles vont vers l’avenir. Et ce aux Tuileries. L’arrière-plan du pavillon de Marsan du musée du Louvre le certifie, à l’exact emplacement du palais des Tuileries, château royal puis impérial, qui fut incendié en mai 1871 par les insurgés de la Commune de Paris. Tout feu, tout femme, on imagine que, parmi ces suffragettes, s’est glissé le fantôme d’une pétroleuse, et à tout le moins, l’ombre de Louise Michel, morte neuf ans avant.
Ce qui intrigue pourtant, c’est la mise fort peu prolétarienne des manifestantes : bottines, robes d’élégantes, voilettes ou chapeaux extravagants dans le goût de l’époque (serait-ce une mouette morte que porte la femme à l’extrême droite de la photo ?) Une mise bourgeoise. Il y a là en effet des épouses ou des filles de notables. Certes, souvent socialistes - telle Marguerite de Witt-Schlumberger, petite-fille de François Guizot - mais notables quand même. Cett