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Libération

L’éclair de la voix haute

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La Semaine d'André Velter.
par André Velter
publié le 5 mars 2011 à 0h00

SAMEDI

RÉVOLTES EN ARCHIPEL

Ce matin l’amandier que je vois de ma fenêtre est tout en fleurs. Une pure merveille que le mistral secoue. Une merveille fragile, éphémère, en cela inestimable. Je suis de plus en plus sensible à ces moments de grâce, d’harmonie, de bonheur simple, au point de me demander parfois si je ne suis pas en train de bêtifier un peu. En choisissant de vivre quatre à cinq jours par semaine en Provence, j’ai voulu conjuguer une relative mise à l’écart avec la lumière, l’éclat, l’aimantation de l’air qui ne cessent de m’enchanter. Ce n’était pas tant pour suivre l’exemple de mon quasi-homonyme et cultiver mon jardin, même si à la longue ce plaisir-là s’est imposé aussi. Mais aujourd’hui, le rythme des heures et les projets d’écriture sont bouleversés : je n’arrive plus à tenir le monde à distance. Avec les révoltes arabes en archipel, il y a comme un retour de flamme de l’histoire. Alors que depuis des années la consternante réalité hexagonale ne suggérait qu’un désir de repli ou de désertion, voilà que les insurgés de l’autre rive ouvrent un espace inédit. Je me surprends, entre la taille des oliviers et la construction d’un mur de pierres sèches, à écouter la radio, à retrouver cette sensation étrange d’être soudain partie prenante de combats lointains au seul écho d’un mot - liberté - pourtant usé jusqu’à la corde. Je regarde à nouveau l’amandier qui est resté tel qu’en lui-même, et me souviens avant de lui reprocher son indifférence que M