En 1517, Hans Baldung Grien peignit une fois pour tous la Jeune Fille et la mort, tableau dans lequel la mort, figurée par un squelette vivant, saisit une jeune fille par les cheveux pour la forcer à descendre dans la tombe creusée à ses pieds. Dans ce portrait photographique, réalisé en 2001 par Lise Sarfati, Annie Girardot n'est plus une jeune fille. Mais comme la jeune fille de Hans Baldung Grien, elle est à sa façon complètement nue, n'offrant aucune résistance. Ses lèvres sont closes, ses paupières baissées, son regard porte en oblique vers un au-delà déjà là, un brouillard qui la gagne. Elle sait que bientôt on se souviendra de ses films mieux qu'elle. A moins que ne vienne de surgir de la casse des souvenirs, du fond cabossé de sa mémoire, un visage oublié, une image chérie, un prénom : Nadia. Qui n'est pas n'importe quel prénom, mais celui de son personnage de putain magnifique et respectable dans Rocco et ses frères de Luchino Visconti, où elle subissait l'outrage et la démolition des hommes, de la famille, de la morale, de l'ordre. Nadia qui hurle «Rocco !» quand ce beau salaud de Delon l'abandonne à son frère.
Par capillarité, il y a donc de la résistance dans cette photo. Qui tient à une trilogie protestataire : la cigarette (allumée), le verre de bière (entamé) et l’orchidée (en pot). Parce que ça n’est pas bien de fumer, parce que c’est vilain de boire et que ça n’est pas cool d’emprisonner une plante exotique. Telle était à la vie, à