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Libération

Réfugié fondu et enchaîné

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publié le 12 mars 2011 à 0h00

La tête du jeune homme est légèrement penchée vers l’objectif du photographe qui, se tenant en dessous de lui, escomptait un effet de contre-plongée. La première information, venue de l’image, c’est qu’il porte un bonnet et s’est emmitouflé dans une couverture bleue. La deuxième information, périphérique à l’image, c’est que ce jeune homme se trouvait, dimanche dernier, à Ras Jedir, à la frontière entre la Libye et la Tunisie, et qu’il fait partie des milliers de travailleurs immigrés qui fuient la guerre civile libyenne. On apprend également qu’il est bangladais. Autant de renseignements entremêlés qui autorisent quelques conclusions. D’abord qu’à rebours des clichés touristiques, il peut faire très froid dans le Sud. Ensuite qu’il fait encore plus froid d’y être bangladais. Commencent alors quelques spéculations. Comment ce jeune homme est-il arrivé là ? Par quels moyens de transport ? Comment a-t-il subi le soupçon des Libyens pour qui, par les temps de guerre qui courent, tout corps étranger est un agent ennemi ? Et quelle sorte de racket pour qu’un passeur le laisse passer ? Saura-t-on jamais quel métier il exerçait en Libye ? Homme de peine, bonhomme à tout faire ? A quel étage l’avait rangé le racisme prôné par le régime libyen ? Tout en haut comme pour les esclaves asiatiques ou tout en bas, comme pour les esclaves venus d’Afrique noire ?

Il est provisoirement stationné dans le camp de réfugiés de Chucha, à cinq kilomètres de la frontière. En attendant de rentrer à Da