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Libération

Sommeil paradoxal

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publié le 9 avril 2011 à 0h00

Qu'est-ce qui attire dans cette image ? Le sommeil, le repos, la sieste. Sa paradoxale quiétude. Car cette photographie a été prise la semaine dernière dans un centre de réfugiés à Koriyama. On peut présumer que les deux humains qui y figurent sont rescapés des trois sortes de catastrophes qui ont frappé la région où ils habitent : tremblement de terre, tsunami et accident nucléaire dans la centrale de Fukushima Daichi. Ils sont des miraculés quand les bilans officiels alourdissent chaque jour leurs statistiques : plus de 12 000 décès confirmés, et 16 451 disparus. Et cependant ils dorment. De fatigue sûrement. Réfugiés dans le monde parallèle du «voyage aventureux» façon Baudelaire. A quoi peuvent-ils rêver en effet ? De quoi sont faits leurs cauchemars ? Revoient-ils à l'envers le film d'horreur de la terre qui tremble et des vagues géantes qui déferlent ? Leurs corps sont-ils infestés par la mort invisible répandue par les poussières radioactives ?

Ce qu'on distingue de la personne de droite laisse présumer qu'il est un homme d'un certain âge. Est-il en âge d'avoir connu la guerre, son dénouement, Hiroshima ? La dame face à lui doit être son épouse. Un vieux couple de personnes déplacées, comme on en voit un dans le Voyage à Tokyo de Yasujiro Ozu. Revoir les films d'Ozu mais aussi tous les Kurosawa de l'après-guerre, histoire d'enrayer la mitrailleuse à clichés des «experts» de la civilisation japonaise qui canardent «sérénité», «discipline» et <