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Libération

Zone interdite

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publié le 30 avril 2011 à 0h00

Sauf à vouloir aggraver les archives de l’inutile, cette photographie n’a aucun intérêt à la lumière de sa seule visibilité. Des bâtiments industriels en arrière-plan et les dos de quatre personnes, trois femmes et un homme, en train, pour trois d’entre elles, de photographier. Cette activité est la première chose qui intrigue. Photographier quoi ? Photographier ça ? Pourquoi pas. On sait que la friche industrielle et son éventuelle poésie ont des thuriféraires. Mais la certaine distance entre les sujets et leur objet relance le mystère. Pas très près ou assez loin ?

La distance est du genre prétendu «raisonnable», elle est celle qui est censée séparer le cauchemar de la réalité. Ce groupe est un groupe de visiteurs devant le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl. Celui-là même qui, il y a vingt-cinq ans, explosa, provoquant la plus grave catastrophique technologique de l’histoire. Comment faut-il appeler ces photographes amateurs ? Des touristes ? Des curieux ? Ou, le taux de radiation étant sur le site toujours très élevé, des kamikazes optimistes.

A leur retour de «vacances», ils risquent d’être la cible de questions désagréables ou moqueuses : c’est marrant ta nouvelle coupe de cheveux en forme de pierre ponce, presque autant que tes douze orteils ? Très difficile d’expliquer alors qu’on a rejoué volontairement le pompier à Tchernobyl.

Mais pourquoi prennent-ils des photos ? Pour résoudre un casse-tête de géométrie dans l’espace ? Comment faire entrer une si grosse