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Libération

Carnets d’un cycliste

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Éric Dupin.
publié le 7 mai 2011 à 0h00

Samedi

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Adepte des explorations urbaines, j'aime enfourcher mon vélo pour une virée en région parisienne. Ce jour, je m'échappe de Paris le long du canal Saint-Denis. Après un passage obligé sur la N14 (le réseau cyclable d'Ile-de-France est un composé de fragments disparates), je rejoins les bords de Seine, ses péniches et ses promeneurs. Avec son bâti décrépi, le centre d'Epinay-sur-Seine s'est diablement paupérisé. A Argenteuil, on se bat contre la fermeture de la «dernière usine en France fabriquant des bandes transporteuses». Retour par le port de Gennevilliers. Des grues difformes veillent sur des camions endormis. Un petit tour dans le parc des Chanteraines (aujourd'hui sans héron cendré) et je retrouve le canal Saint-Denis. Un nouveau centre commercial vient de pousser en son bord. Sur un immense panneau bleuté, une sirène attire le chaland par cette insolite promesse : «Le Millénaire invente le shopping au bord de l'eau.» Je succombe. A tort, bien entendu. Trois restaurants sans caractère offrent leurs terrasses à un bras du canal. Et c'est tout pour l'eau. Courbe et lumineuse, l'architecture du centre est une réussite qui ne peut dissimuler son affligeante banalité fonctionnelle. Dans une vidéo ignorée de la foule, Antoine Grumbach, le concepteur du lieu, se pose en «ennemi radical de la modernité triomphante». Les consommateurs, eux, se ruent dans le Carrefour et la myriade d'enseignes habituelles. En c