Samedi
Chacun a un avis
J’ai d’abord pensé oh non ! Pas ça. Je suis incapable de ça. Donner mon avis sur la dette grecque, le retour de Poutine, la Libye, Karachi, feindre que ça m’excite, l’actualité, que j’ai quelque chose à dire là-dessus d’autre que ça m’écrase. J’ai failli refuser. Caroline m’a dit mais si, vas-y, c’est bien, tu vas trouver ta manière. D’accord. J’y vais. Mais l’actualité, ce n’est pas ma partie, elle me fait peur, elle me submerge, il me semble qu’elle me condamne à un présent perpétuel, à l’emprise de l’événement. Ce n’est pas la temporalité du pédagogue, ni celle du psychanalyste ni celle de l’écrivain.
Hier matin, j'ai acheté le Parisien, le Monde et Libération, pour m'entraîner un peu. Je les ai feuilletés, incapable de rien lire, pas même ce qui m'intéresse d'habitude, les histoires, les faits divers, là où il reste de la place pour inventer, rêver, des marges. J'ai été sur le point d'appeler la rédaction : je ne la ferai pas, finalement, la semaine de l'écrivain, ça m'angoissait trop, je me sentais exactement comme au café quand la conversation tombe sur la primaire socialiste et que chacun a un avis, une vision, une stratégie, des convictions, sauf moi qui me sens suspendu au crochet muet de l'indécision. Demain, je ne sais pas ce que je ferai. J'ai oublié de dire que je n'ai pas la télévision.
Encore un mot : les lignes ci-dessus n'ont pas été écrites le samedi, mais la veille, le vendredi,