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Libération

Eros en rut, lérot en berne

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publié le 12 novembre 2011 à 0h00

Les framboises sont mûres, la lumière enivre chaque feuille, chauffe le substrat le plus humide. Je me dépêche d’aller vérifier si les renardeaux ont nettoyé la carcasse de poulet déposée la veille. Et là, sur la presqu’île émeraude, près de la cabane, entre les feuilles du lierre qui tapissent le sol, une forme inerte, sur le ventre, truffe rose, pointue, comme fichée en terre, épuisée mais en vie. Son poil gris souris se soulève par intermittence.

D’où vient cet enfant en costume de bandit (un masque noir recouvre ses yeux) ? Cinq mille millimètres au-dessus, un dais de feuilles d’érable profite de la brise pour s’écrier : «Non, non, nous n’y sommes pour rien.» J’emporte l’animal - il pend dans ma main aussi misérable qu’une lavette oubliée au soleil d’août - pour le rafraîchir, tremper son nez dans du lait, le mouiller d’une larme de framboise et consulter mon Robert Hainard de chevet (éditions Delachaux et Niestlé).

Les oreilles sont hautes, jolies, à l'identique de ces chapeaux capotes du XIXe, fort prisés des élégantes. L'œil, bien qu'entre-deux eaux vu son état, doit être sagace, rond comme baie de sureau. Longue, la queue se clôt en étoupe, le gris de l'échine tombe sur ses épaules, mais le plus remarquable sont les doigts, d'une telle exactitude qu'ils doivent grimper partout.

D'après le naturaliste, j'ai affaire à un bébé lérot. Il m'apprend que les adultes, dont l'allant sexuel est dantesque, sont en rut en juin : «On leur trouva en effet les testicul