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Libération

L’un plonge, l’autre pas

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publié le 12 novembre 2011 à 0h00

Visible jusqu’à dimanche dans le cadre de la foire Paris Photo, au Grand Palais, cette image a été prise en 1951 par Nino Migliori, reporter qui arpenta l’Italie d’après-guerre pour enquêter sur le petit peuple se remettant à peine de vingt ans de fascisme. Trattorias ouvrières, marchands à la sauvette, mariage chez les prolos, coiffeurs des rues, son regard républicain est toujours du côté des pauvres gens.

Ici deux jeunes baigneurs, dont l’un plonge et l’autre pas. Pourquoi est-on certain, malgré leur quasi-nudité, d’avoir affaire à des modestes et pas à des gosses de riches s’éclatant sur quelque riviera ? Parce que leur corps est à lui seul un signe extérieur. Leur minceur musculeuse dont on n’est pas certain qu’elle ne soit pas de la maigreur, en fait à coup sûr des enfants de la guerre, du rationnement.

On ne saura jamais si ces deux raggazi ont vu Rome, ville ouverte de Rossellini et le Voleur de bicyclette de De Sica (sortis respectivement en 1945 et 1948). Il est tout aussi impossible de divaguer au point de les imaginer comme de proches parents de certain Pasolini à venir. Il est par contre probable que le photographe Migliori a lui regardé de très près ces films italiens de l'après-guerre. Cette scène de baignade devrait être estivale et solaire. Son noir et gris la tire vers l'esthétique pluvieuse du néoréalisme. D'où le sentiment, par-delà son anecdotique tension sexuelle, d'un certain spleen. Et pas seulement parce que le garçon assis e