L’aulne est un entêté. Chaque année, il revient en un buisson exubérant sur un rebord de l’automne où il est indésirable. J’ai en main ses branchages, destinés au broyeur de Perrine, ma propriétaire, qui en tapissera le sol de ses plantations. Soudain, une robe de feu dans l’ombre de la marbrerie. C’est mon rouquin, Shams (Soleil en arabe), dont la fourrure troue la pénombre bleue. A la façon dont il regarde ses pattes antérieures, je sens qu’il a déniché un trésor. Je lâche mes rameaux, m’approche ; il lève ses yeux dorés, couleur de Chasselas, avec l’air de dire : «Regarde !»
Devant ses petites falaises de velours, parmi les herbes fines, un orvet qui me semble immense tant son corps fait de boucles. A lui seul, ainsi en lacets, on dirait une photographie aérienne d’une autoroute américaine. Premier constat, sa queue est en place. Ouf ! Le nombre de queues d’orvets découverts aux alentours de la presqu’île est énorme, et mon chat, s’il n’est pas seul coupable, doit posséder une belle responsabilité dans le comptage. Lui sauver la vie sans plus tarder est l’urgence. L’arrosoir d’un voisin fait l’affaire. Je prends le lézard apode et l’y dépose au fond.
Le chat ne m’en veut pas, il s’est habitué à mes rapts. Arrivé devant ma datcha, le portable dring. Je dépose l’arrosoir lesté de l’orvet qui, selon la littérature - des stries longitudinales assombrissant ses flancs -, serait une femelle. Le temps de répondre à l’appel, deux minutes tout au plus, à mon retour, zut, l’arrosoir