Menu
Libération

Prenons la mouche

Article réservé aux abonnés
publié le 26 novembre 2011 à 0h00

Dès la porte entrouverte, même après quinze jours de fermeture, elle s’invite à l’intérieur de mon humble logis, lequel est, je précise, tenu. Systématique, elle se rue dans mon antre. Il ne passe pas trente secondes. C’est comme si sa vie était d’attendre cette ouverture, là, dehors, sous l’auvent de l’entrée qui protège le bois pour le mois, ou tapie dans le rideau bruissant de feuilles, entre ciel et ruisseau.

L’expérience fut répétée cent fois. Si encore, elle se taisait. Non, madame bourdonne, zinzinule, circonvolutionne dans les hauteurs, se cogne aux baies vitrées, aux carreaux, dans les lampes, et zzzz par-ci, zzzz par-là, et parfois, même quand elle se pose pour s’épousseter la trompine(tte), je l’entends, satisfaite, ronronnante. Pétasse, salope, ta gueule ! Mes mots pour elle, cette mal-aimée en costume bleu, ne sont pas tendres.

Mais j'ai changé. Il y a bien longtemps que je ne les tue plus, ces mouches à viande, infectes lucilies, faux saprins ailés, funestes sarcophages. Je les chasse à peine vers la lumière, le dehors, ou crier, hurler et vomir est permis. Mais je préfère encore les araignées, plus bonhommes à se laisser saisir vers la sortie. La mouche bleue de la viande, Calliphora vomitoria, c'est dire, est bien plus sagace. Collante aussi. La nuit venue, minuit passé, alors que je la pense endormie, occupée par quelques perquisitions, elle vient lire par-dessus mon épaule, et si le papier lui plaît, sa masse fait tâche à la phrase qui m'étreint :