Parfois, la chose publique épuisée théâtralise son douloureux néant sur la scène nécessaire de l'Assemblée nationale, afin que les élus qui l'incarnent offrent à leurs mandants et se donnent à eux-mêmes, pour un jour ou pour une heure, au moins l'impression d'exister ne serait-ce que dans l'affichage d'une impuissance, à moins que d'un acte manqué. Ainsi, mardi au Palais Bourbon (où jamais ne fut votée l'intervention militaire en Libye, par exemple), fut porté à l'ordre du jour le vote d'une résolution reconnaissant «la position abolitionniste de la France» en matière de prostitution, prélude à un projet de loi que portera la ministre Bachelot, visant à pénaliser la clientèle des prostitué-e-s.
A en lire le compte rendu dans la presse du lendemain, il fallut un temps pour comprendre de quoi il s'agissait. C'est que, sur la question, on en était resté à la loi sur la sécurité intérieure de mars 2003, dite Sarkozy 2, du nom du ministre de l'Intérieur de l'époque qui la porta sur les fonts. Elle instaurait en la matière un délirant délit de «racolage passif» dont le seul résultat tangible fut de livrer des femmes, recluses aux périphéries des villes ainsi nettoyées plus discrètement qu'au Kärcher, à la barbarie des souteneurs, trafiquants esclavagistes qu'elle prétendait combattre. Le même procédé avait été appliqué trois mois auparavant par le même ministre rasant au bulldozer le centre d'accueil de Sangatte. C'était au même prétexte de combattre les «mafias»