A«Regarder voir» Libération, une photographie donne souvent envie de lire le texte. Il est tout aussi fréquent quand on a lu le texte de revenir à la photographie.
La photographie : un portrait de Socrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira. En pied, ce qui est la moindre des choses pour un footballeur. Le texte, écrit par Gilles Dhers : la nécrologie de Socrates, mort le dimanche 4 décembre à 57 ans. Tout se joue donc dans la noria qui va de l’article à son «illustration». Car entre ce qu’on lit et ce qu’on voit, il y a du jeu, comme on dit qu’il y a du jeu entre deux pièces de mécanique, ou de la liberté entre les mots.
Dans la nécrologie, le béotien du sport, qui a tendance à mélanger les règles du foot avec celles du jokari, apprend bien des choses : que Socrates était non seulement un très grand joueur brésilien, capitaine entre autres de la Seleção, mais aussi et surtout un type bien, initiateur d’une expérience d’autogestion appliquée à un club de foot (les Corinthians de Saõ Paulo), d’autant plus unique et courageuse qu’elle eut lieu au début des années 80, dans le contexte de la dictature militaire. Débats et votes pour tout, salaires basés sur le partage des recettes de billetterie et de sponsoring. Une équipe de foot de gauche, voire d’extrême gauche. Trente ans plus tard, quand autour des joueurs de foot, il est surtout question de cachetons millionnaires et de contrats de pub faramineux, la belle utopie portée par Socrates paraît pour le moins